Par Michel Tobelem
Pour les cadres supérieurs, atteindre un siège au sein d’un comité de direction, d’un comité exécutif voire du directoire d’une grande entreprise représente un jalon crucial.
C’est une étape rare et critique dans une vie professionnelle, dont certains se souviennent toute leur vie. Pour un cadre dirigeant, intégrer un comité de direction, un comité exécutif, voire le directoire d’un grand groupe constitue naturellement un cap majeur. Que ce soit en termes de responsabilités, d’exposition interne ou externe, de relations directes avec le P-DG et le conseil d’administration… Le changement se mesure à tous les niveaux, a fortiori dans des environnements économiques en transformation permanente.
Certes, cette évolution s’inscrit avant tout dans une continuité. Elle constitue la suite logique d’un parcours, de résultats parfois durement acquis, d’un leadership développé au quotidien au contact des équipes et du business.
« On ne se réveille pas un matin transformé, portant l’étiquette de membre du comex » s’amuse un P-DG passé par cette étape clef.
Il n’empêche, il y a un bien un avant et un après. Autrefois dirigeant parmi d’autres, l’heureux élu devient numéro un à part entière, il pilote un compte de résultats dédié ou incarne au plus haut niveau une fonction clef (RH, finance, communication…).
« Il n’y a plus de filets de sécurité, on est en première ligne », insiste l’un d’eux.
D’où la tentation, du fait de cette exposition nouvelle, de se concentrer avant tout sur la performance de son périmètre et de ses équipes. Un réflexe compréhensible – pas de crédibilité auprès de ses pairs sans résultats personnels avérés -, mais qui est loin d’être suffisant.
Apprendre à décentrer ses priorités
Car, dans les faits, intégrer un comex fait basculer le dirigeant dans un nouveau collectif. Sa principale préoccupation ne doit plus être ses équipes, et ses résultats directs, mais son impact sur la bonne marche de l’entreprise dans son ensemble.
C’est le concept de « Team 1 » : l’énergie mentale est avant tout dirigée vers ses nouveaux pairs – les autres membres du comex et le P-DG. Désormais, il s’agit de prendre des décisions en fonction de leur impact sur la dynamique du groupe, et pas seulement de son activité propre. Et de passer d’une représentation du leadership très centrée sur la responsabilité individuelle à un leadership centré sur l’entreprise.
Ce changement s’accompagne d’un niveau de compréhension, d’adhésion et de représentation sans faille des décisions de l’entreprise vis à vis de l’ensemble des employés et des parties prenantes. Il s’agit au fond d’incarner la fonction à tous les niveaux. Aussi bien au niveau de ses équipes que de ses pairs, dont il faut connaître les individualités, les singularités et la culture, en passant dès la prise de poste des moments en tête à tête, à la fois pour mieux comprendre leur activité et leurs problématiques du moment, mais aussi pour être capable de parler de leurs sujets auprès d’interlocuteurs extérieurs (partenaires, fournisseurs…).
Cette « cross-functional empathy » nécessite naturellement de développer des capacités d’écoute et d’influence, une agilité stratégique, mais aussi un sens politique permettant d’assumer son rôle sans empiéter sur les responsabilités de chacun.
Se préparer à un changement de posture
Au fond, l’exercice implique de prendre de la hauteur. Dans une fonction comex, le poids de la stratégie augmente fortement à tous les niveaux. Qu’il s’agisse du pilotage de sa propre activité, de sa contribution à la bonne marche du groupe, mais aussi de l’exposition croissante avec des parties prenantes externes, le dirigeant doit s’impliquer sur de nouveaux sujets – RSE, M&A, R&D, RH, communication… – et étendre ainsi sa palette d’intervention.
Il sera amené à côtoyer au quotidien de nouveaux interlocuteurs, qu’il s’agisse d’investisseurs, d’agences de notation, d’acteurs publics mais aussi des administrateurs… C’est l’une des responsabilités nouvelles d’un membre du comité exécutif, qui doit désormais interagir avec les membres du conseil d’administration en support de son P-DG, partager l’actualité et les défis de son activité et s’impliquer sur des sujets stratégiques transversaux.
Cette capacité à sortir de son propre périmètre peut dépendre de la culture de l’entreprise et du style du P-DG qui est à la barre. Dans des entreprises traditionnelles qui fonctionnent encore beaucoup en silos ou qui sont décentralisées, l’exercice peut être plus délicat. Tout comme lorsque le directeur général attend en priorité de ses dirigeants qu’ils restent concentrés sur leur activité, et moins qu’ils fonctionnement de pair avec les autres membres du comité exécutif.
Quel que soit le contexte, le changement de posture s’impose. Gérer à la fois le temps long et le temps court, la stratégie et l’opérationnel, ouvrir le champ de ses responsabilités, appréhender la dimension politique, savoir se positionner avec justesse, en gérant au mieux sa relation avec le P-DG et ses pairs… Le cocktail est corsé et mieux vaut s’y préparer avant d’y goûter.
L’idéal ? Un programme sur mesure mené au moins un an à l’avance et combinant coaching, assessment, mais aussi 360 degrés selon une approche très personnalisée.
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