[ENTRETIEN] Depuis cinq ans, Talys a investi plus de 40 millions d’euros dans des projets d’envergure internationale, devenant le n° 1 de l’hôtellerie sur l’île rouge, après s’être imposé comme leader dans la distribution des matériaux de construction. Entre solutions Cash & Carry et Marketplace, Talys renforce également ses positions dans la grande distribution et annonce un accord avec le groupe Intermarché.
LA TRIBUNE AFRIQUE – Depuis dix ans, Talys s’est engagé dans une diversification tous azimuts. En substance, que recouvrent les activités du groupe aujourd’hui ?
Féride Hassanaly, co-CEO du groupe Talys : Notre groupe fête ses 30 ans cette année. Il a connu une croissance importante et a évolué au cours du temps. C’est une entreprise familiale créée en 1993, que je dirige avec mon frère Éric Hassanaly, depuis une dizaine d’années. Nous nous sommes diversifiés, tout en maintenant un fil conducteur entre les différentes activités du groupe Sanifer, devenu Talys en 2019. À la distribution de matériaux de construction, se sont peu à peu greffées des activités relatives à l’immobilier, à la grande distribution puis à l’hôtellerie et enfin à l’événementiel. Ces activités ont un dénominateur commun centré autour des infrastructures avec un secteur de la construction qui représente environ 60 % de notre chiffre d’affaires.
Dans le secteur de la grande distribution, le marché malgache est tenu par quelques grandes enseignes telles que Carrefour à travers leurs franchisés. De quelle façon pensez-vous faire la différence sur ce marché de consommateurs réduit ?
Nous disposons d’une solide expérience qui nous permet de maîtriser les flux logistiques. Nous comptons parmi les plus importants importateurs de Madagascar. Le marché malgache de la grande distribution n’est pas encore suffisamment structuré et ne capte que 10 % des consommateurs qui, pour l’essentiel, continuent de s’approvisionner sur les marchés locaux ou auprès de petits revendeurs. Nous avons réfléchi à élargir la base de nos clients en jouant sur les prix, à travers la mise en place d’une solution de Cash & Carry.
C’est le bon moment, car le secteur se professionnalise et les consommateurs exigent désormais une grande variété de produits de qualité. Le prix demeurant une contrainte, en particulier dans la conjoncture actuelle liée à la guerre en Ukraine, nous avons inventé cette solution hybride et inédite à Madagascar. En 2021, nous avons donc ouvert le 1er magasin Kibo, qui se positionne entre le supermarché et l’entrepôt amélioré de type Metro en France, ouvert aux particuliers comme aux professionnels. Il s’étend sur 2 000 m2 et compte 4 500 références multimarques. Nous comptons des professionnels comme les hôtels ou les stations-service du pays parmi nos clients même si près de 60 % de nos clients sont des particuliers. Nous proposons des tarifs qui sont, en moyenne, 15 % moins élevés que chez nos concurrents.
Vous étiez partenaire du groupe Casino et vous venez de signer un contrat avec le groupe Intermarché. Qu’attendez-vous de cet accord ?
Nous voulions gagner davantage de parts de marché en jouant sur les prix, et le groupe Intermarché (n° 2 de la grande distribution en France, NDLR) a développé une stratégie offensive à ce niveau. Par ailleurs, il nous a semblé être l’acteur idéal pour Madagascar, car Intermarché est un groupement d’indépendants. Nos interlocuteurs parlent donc le même langage que nous. Enfin, Intermarché bénéficie d’une histoire et de compétences qui ne sont plus à démontrer.
Parallèlement aux magasins ouverts à Tananarive, la marque dispose d’une marketplace. Comment s’articule votre stratégie de développement physique et numérique dans la grande distribution ?
Nous comptons 2 magasins et nous prévoyons l’ouverture de 2 nouveaux magasins par an, à partir de 2024. Notre position d’outsider sur le segment du Cash & Carry représente une véritable valeur ajoutée auprès des consommateurs. Pour répondre aux exigences locales, nous nous sommes appuyés sur des groupes reconnus qui cherchaient à s’implanter à Madagascar, dans le cadre d’un partenariat équilibré. Il n’était, en effet, pas question pour nous de dupliquer les plans de vente français localement.
Nous comptons aujourd’hui des partenaires comme le Groupe Adeo, propriétaire des enseignes Leroy Merlin et Weldom (…) En janvier dernier, nous avons lancé la plateforme Zoma (« marché » en langue malagasy, NDLR), grâce à notre partenariat avec Octopia, une filiale de Cdiscount, qui nous donne accès à son catalogue comptant plus de 50 000 références. Le développement de ce projet a été rendu possible grâce à l’accessibilité croissante à Internet. D’ici au début du mois de novembre, nous allons lancer une nouvelle plateforme consacrée aux produits de seconde main, de type Leboncoin. À terme, nous ambitionnons de devenir « La » plateforme de référence du e-commerce à Madagascar.
Depuis 2018, vous êtes présents dans le secteur de l’hôtellerie avec la marque Radisson. De quelle façon se développe cette offre au niveau national et quels sont vos facteurs de différenciation ?
Nous étions déjà présents dans l’immobilier et nous sommes entrés dans l’hôtellerie par ce biais-là. L’aventure a commencé en 2016 par l’acquisition, dans le centre de Tananarive, d’un immeuble que nous avons mis aux normes hôtelières internationales. Notre premier établissement, un appart-hôtel de 56 chambres, a ouvert en 2018 avec l’objectif de viser les clients « long stay ».
Le projet avec Radisson est né lorsque nous avons pu augmenter notre capacité d’accueil par le rajout de deux nouveaux hôtels, un boutique-hôtel de 30 chambres, puis un business hôtel de 166 chambres devenu un Radisson Blu. Notre portefeuille compte plus de 250 chambres aujourd’hui. Nous étudions les possibilités du côté de Nosy-Be, au nord de l’île. Malgré les crises successives que nous avons traversées, la Covid-19 puis la guerre en Ukraine, nous avons maintenu le cap en conservant nos effectifs par exemple.
L’hôtellerie est un secteur où les ressources humaines locales sont rares. De quelle façon accompagnez-vous la montée en compétences des talents locaux ?
Nous développons des compétences en interne en multipliant les stages et en favorisant la formation continue. Nous intervenons régulièrement auprès des associations pour promouvoir les formations dans le secteur de l’hôtellerie. Nous souhaitons d’ailleurs fédérer les différents acteurs du secteur pour renforcer la filière dans son ensemble, car la pénurie de main-d’œuvre qualifiée touche chaque acteur de l’hôtellerie. Parallèlement, sans vouloir se substituer au secteur public, notre groupe s’est engagé sur le segment de l’éducation qui est à la base de tout développement pérenne. Nous avons récemment participé à la réhabilitation de six écoles à Tananarive, permettant à quelque 3 000 enfants d’étudier dans de meilleures conditions.
En 2018, en lançant Cinepax vous avez ouvert un nouveau champ d’activité orienté vers les loisirs. À l’heure d’Internet, les salles de cinéma ne sont-elles pas devenues anachroniques ?
Les cinémas avaient disparu de Madagascar depuis près de 30 ans. Il nous a semblé important de répondre à cet écueil en travaillant avec les distributeurs internationaux, pour que les habitants de Madagascar aient accès aux films, en même temps que le reste du monde. La demande existait (…) Les prix des billets de l’ordre de 5 euros peuvent paraître élevés, mais les loisirs se démocratisent et nos quatre salles qui comptent 330 places, à Tana Waterfront, enregistrent des taux de fréquentation importants.
Par ailleurs, nous ouvrons ponctuellement nos salles gratuitement afin de toucher le plus grand nombre de personnes. Nous tenons aussi à nous engager auprès des cinéastes, réalisateurs et producteurs locaux, pour soutenir l’émergence d’un cinéma made in Madagascar.
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