Transformation digitale

Transformation digitale : faites confiance à l’expérience

0

Confier systématiquement le passage au numérique des grandes entreprises à des jeunes est une erreur

Qui va mener notre transformation digitale ? Pour répondre à cette question, les dirigeants des grands groupes ont souvent une seule et même réponse en tête : un trentenaire. Agile, brillant, et si possible riche d’une expérience au sein d’un GAFA. Le réflexe est si répandu – et le profil tellement rare – qu’il existe aujourd’hui un vrai « mercato » pour les ex-collaborateurs de Facebook ou de Google, devenus de véritables stars (lire aussi l’article : « Comment Google a converti ses ingénieurs au management »).

Mais, en pratique, que donnent ces transferts ? Comment ces jeunes gens passent-ils du monde du digital à celui des grands groupes, qu’il s’agisse d’acteurs de la banque, de l’assurance ou de la distribution ? Comment réussissent-ils à entraîner avec eux des équipes aussi nombreuses que chevronnées, pas forcément prêtes à recevoir des leçons de modernité ?

Le mythe du « digital guru »

Tout dépend de la façon dont la nouvelle recrue envisage son champ d’action, et notamment ses répercussions humaines ; car la transformation digitale va impacter toute l’entreprise, jusqu’à son business model. Ce qui entraîne de profondes transformations pour les collaborateurs, qui seront amenés à changer de périmètre ou même de métier. De quoi susciter des interrogations, et souvent des tensions, notamment avec les représentants du personnel. Face à ces difficultés, le leader de la transformation digitale, s’il est jeune et peu familier de ce type de situation, sans connaissance du cœur de métier ou des contraintes de l’entreprise, ne saura pas toujours adopter la bonne attitude.

Autre difficulté pour la jeune recrue : s’adapter au rythme de fonctionnement d’un grand groupe, avec ses process, ses strates de validation et ses lenteurs, parfois (lire aussi la chronique : « Pourquoi les entreprises ne peuvent pas agir comme des start-up »). Rien à voir avec le monde du digital, où la vitesse d’exécution est considérée comme primordiale, et où la philosophie du « test and learn » est érigée en principe quotidien. Google, champion du genre, propose ainsi des sessions de « design sprint » pour développer et tester des idées innovantes en… cinq jours. Alors que, dans les grands groupes, les délais ne cessent de s’allonger : un recrutement dans une grande structure, par exemple, prend souvent plusieurs mois. Résultat : les greffes ne prennent pas toujours entre les transfuges du digital et les grandes organisations, non pour des questions de génération, mais bien de rythme. Sans oublier que ces nouvelles recrues devront renoncer à l’aura professionnelle que leur apportait le fait d’être salarié d’un GAFA. Une évolution pas toujours évidente pour ces profils en pleine construction de leur carrière.

L’obsession pour les « digital natives »

Pourtant, des transformations digitales réussies, cela existe, y compris dans les grands groupes. Comment ? En assumant le fait que la transformation digitale ne peut pas uniquement se confier à des jeunes gens qui vont devoir acculturer le reste de l’entreprise, et en cherchant à associer à cette transformation des profils plus expérimentés. Un manager de 45 ans, par exemple, a vécu une grande partie de sa vie professionnelle en utilisant des outils digitaux. Pour peu qu’il se soit intéressé à ces technologies depuis leur généralisation, dans les années 2000, il dispose même d’une vraie compétence en la matière. Tout dépend, non de son âge, mais de son appétence pour ces évolutions. En revanche, c’est sa séniorité, qui lui a permis d’acquérir les codes du secteur de l’entreprise ou du métier. Il sera plus pertinent et efficace face aux partenaires sociaux, aux collaborateurs… mais aussi face aux dirigeants de l’entreprise, qui ont besoin d’être rassurés sur les choix stratégiques et technologiques qu’implique leur mue digitale, et qui accorderont plus de crédit à un interlocuteur expérimenté avec des références concrètes en management de larges équipes ou en programmes de transformation business.

Il s’agit donc d’admettre qu’il existe des profils « digitaux » dans différentes générations, puis à les faire fonctionner ensemble, en mettant en avant les points forts de chacun, au service d’une transformation globale, digitale et humaine, de l’entreprise. Beaucoup de grands groupes, après avoir confié leur transformation digitale à un trentenaire, adoptent aujourd’hui la solution des « profils complémentaires » : un binôme senior-junior, au moins pendant la phase de démarrage du projet. Un binôme auquel sont rattachées des équipes rassemblant plusieurs générations. Bien sûr, cela n’est pas une formule magique pour réussir toutes les transformations digitales. Mais cela a au moins le mérite de permettre à chaque collaborateur de se sentir concerné, et acteur du changement, quels que soient son âge et sa compréhension des enjeux digitaux.

Par Laurent David

admin
Soutenez votre média indépendant de management : abonnez-vous à Afrik Management au service des individus et des organisations ! À 15 €/An A compter de février 2024, accédez à des contenus exclusifs sur et naviguez pour 15 € par an seulement ! Notre mission en tant que média de management ? Rendre le savoir accessible au plus grand monde. Nous produisons chaque jour nos propres articles, enquêtes et reportages, le tout à taille humaine. Soutenez-nous dans cette démarche et cette ambition.

Cabinet d’experts comptables BDL: 5000 clients et l’intelligence artificielle qui arrive

Previous article

L’organisation du futur : du syndrome du scarabée à la stratégie du dauphin

Next article

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You may also like