Management & RH

L’humain, raison d’être des entreprises vertueuses

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Conceptualisé dans les années 1970, le modèle de l’entreprise humaniste entend replacer les hommes et les femmes au cœur de la dynamique entrepreneuriale. Longtemps considérée comme utopique, cette approche qui privilégie les notions de bienveillance, d’épanouissement et de bien-être des salariés, suscite un intérêt grandissant depuis la fin de la crise sanitaire.

A la faveur du redémarrage économique post-Covid, un vent nouveau semble souffler sur le monde de l’entreprise. Aux lendemains de la crise sanitaire, la vague sans précédent de départs et de reconversions professionnelles a fait prendre conscience à de nombreuses sociétés de la richesse de leurs talents. Et, in fine, de l’importance de leur bien-être et de leur condition de travail. Dans l’environnement professionnel, les notions d’empathie, de bienveillance, d’épanouissement, de bonheur avaient jusqu’ici été trop négligées. Pour ne pas dire ignorées. L’humain ne pouvait plus être considéré comme le simple attribut du capital. Marquant les limites de l’ancien modèle, cette évolution va dans le sens de l’histoire et tend à revaloriser le fameux « facteur humain » en le replaçant au cœur de la dynamique entrepreneuriale. Une tendance qui remet à l’honneur un modèle longtemps considéré comme utopique, « l’entreprise humaniste ».

Un enjeu de stabilité sociale et de développement économique

Le concept ne date pas d’hier. Il a été initié par le chercheur et ingénieur José Luis Montero de Burgos qui, dans le contexte agité de la fin des années 1960, s’est penché sur la relation houleuse entre le capital et le travail. En amont de ce conflit, l’hypothèse selon laquelle ce rapport de force – avantageant le premier aux dépens du second – est fondé sur l’idée que le risque entrepreneurial – et capitalistique – est exclusivement endossé par le dirigeant. Un constat que l’universitaire espagnol entendait nuancer en soulignant que le « travailleur » n’en est pas exempt et assume aussi une grande part de responsabilité dans la survie d’une entreprise. Une charge qui devrait lui conférer naturellement des pouvoirs, sans même avoir besoin de devenir actionnaire. Se défendant de toute idéologie relative à la défense du « prolétariat », José Luis Montero de Burgos estimait alors que le rééquilibrage de ce rapport tient avant tout à une exigence de stabilité sociale et de développement économique.

Au-delà de ces fondements, la notion d' »entreprise intégrée » ou d' »entreprise humaniste » a, depuis, fait son chemin. Plus largement, elle est aujourd’hui définie par le psychologue Jacques Lecomte comme une entité soucieuse et respectueuse des êtres humains et de l’environnement (« Les entreprises humanistes. Comment elles vont changer le monde », Les Arènes, 2016). Outre l’idée d’une relation apaisée dans un écosystème comprenant fournisseurs, prestataires ou clients, l’entreprise a également pour mission de veiller au bien-être de ses salariés. Jacques Horovitz, qui a co-fondé Châteauform’ (une société spécialisée dans l’accueil de séminaires et d’événements d’entreprises), avec Daniel Abittan, résume ce concept comme « le choix du management par les valeurs, plutôt que par les règles », en remettant les hommes et les femmes au cœur de l’entreprise en lieu et place de la performance (« L’entreprise humaniste. Le management par les valeurs », Ellipse, 2013).

L’argent ne fait pas le bonheur

Contredisant l’idée reçue, le travail n’a pas toujours été synonyme de santé depuis l’avènement de l’ère industrielle. Bien au contraire. Les forces vives de l’entreprise sont longtemps passées pour de la chair à rentabilité, broyées par l’impératif de résultat et souvent sacrifiées sur l’autel de la maximisation des profits. Or depuis un certain temps déjà, il est avéré que le stress nuit pathologiquement aux individus. C’est, entre autres, ce que rappelle une étude menée depuis 85 ans par l’université de Harvard sur le bonheur, dont les conclusions ont récemment été publiées par Robert Waldinger, professeur en psychiatrie à la Harvard Medical School (« The good life », Leduc, 2023). En substance, loin de la réussite professionnelle, l’aptitude à une vie plus heureuse serait, selon lui, intimement liée à la qualité des relations et des liens sociaux. L’argent ne fait effectivement pas le bonheur… Au-delà de la maxime, cette évidence existentielle peut aisément se transposer au monde de l’entreprise où la pression et le stress se révèlent, bien souvent, être contre-productifs. Est-ce à dire que le bonheur et le bien-être des salariés peuvent être, à l’inverse, une source d’efficience, de créativité et d’innovation ?

Agir pour le bien commun

C’est le pari qu’ont pris, il y a près de 30 ans, les fondateurs de Châteauform’. « Plutôt que le profit, l’entreprise humaniste place les femmes et les hommes au centre de ses préoccupations », résume son président, Daniel Abittan. Dans un environnement économique écrasé depuis des décennies par la quête du profit, destiné à assurer la rétribution des actionnaires, l’idée n’est pas si aisée à imposer. Agir pour le bien commun ne se limite pas à vouloir améliorer les conditions de travail (matérielles comme relationnelles) : cela passe aussi par une meilleure qualité de service ainsi que des relations honnêtes avec les fournisseurs. C’est une démarche systémique. Un modèle qui, intrinsèquement, serait même de nature à porter les germes d’une révolution à plus grande échelle. « Nous sommes convaincus que seules les entreprises qui mettent l’humain au cœur, qui respectent le vivant et les territoires, ont le pouvoir de transformer harmonieusement et durablement notre monde« , défend avec conviction Benjamin Abittan, directeur général adjoint de Châteauform’. En se préoccupant davantage du bien-être de leurs communautés, ces entreprises seraient les dépositaires des changements que commande notre époque. Elles n’auraient plus seulement un rôle économique, elles deviendraient des acteurs de l’émancipation sociale.

Révéler les talents

Replacer l’humain au cœur de l’entreprise nécessite de repenser les fondements mêmes de l’organisation. Pour cela, Châteauform’ s’appuie sur six valeurs, véritables clés de voûte de la bonne marche du groupe : « L’amour du client, l’audace et l’initiative, la loyauté et l’honnêteté, grandir et faire grandir, l’esprit de famille et enfin, la performance« , égraine Magaly Gaudin, responsable des « richesses » humaines. L’objectif premier est l’épanouissement de chacun, car « des collaborateurs heureux font des clients heureux et des actionnaires heureux« , rappelle Daniel Abittan.

Dans ce schéma organisationnel atypique, la hiérarchie n’en porte que le nom. « Les leaders sont des « servant leaders » qui, au sein de leurs équipes, ont comme principale mission d’aider leurs talents à se révéler en encourageant la collaboration, l’écoute, la confiance et la responsabilisation dans la prise de décision« , poursuit Magaly Gaudin.

Si éloignée des standards qui prévalaient jusqu’alors, l’entreprise humaniste ne fait pas pour autant l’impasse sur les résultats financiers qui garantissent, in fine, sa viabilité. Débutée en 1996 dans l’Oise, l’aventure de Châteauform’ a, depuis, été florissante puisqu’elle comptait, l’an dernier, 70 sites en Europe pour un total de 18 000 séminaires organisés et un chiffre d’affaires de 243 millions d’euros. Une tendance structurelle qui porte en elle la promesse d’une révolution de fond des approches managériales et l’émergence de nouveaux modèles de management.

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