Management & RH

Coaching en entreprise : pour un renouveau des pratiques

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Le coaching en entreprise est un outil clé pour le développement professionnel. Zoom sur les évolutions et enjeux pour les entreprises.

Le mot « coach » a des origines plus anciennes qu’il n’y paraît. En effet, il trouve ses racines au XVIe siècle, associé aux voitures à chevaux de Kocs, en Hongrie (les « coches »). Sa signification évolue ensuite à Oxford pour désigner un mentor académique, puis le lien se fait avec le sport autour de 1860. L’association du coaching avec le monde de l’entreprise trouve ses racines aux États-Unis dans les années 1960, en particulier grâce à l’école de Palo Alto. La fin du XXe siècle voit la création d’organismes tels que l’European Mentoring and Coaching Centre (EMCC) et l’International Coaching Federation (ICF), consolidant la profession. En 2014, ces fédérations signent les accords de Bologne avec l’UE, instaurant une auto-régulation de la profession.

Cette structuration du coaching vise à prévenir d’éventuelles dérives. Ces préoccupations trouvent leurs racines dans l’histoire, notamment lorsque le coaching a été associé au mouvement New Age et à des expériences d’hypnose dans les années 1960. Plus récemment, des interrogations ont émergé concernant les liens entre coaching et développement personnel, ainsi que les distinctions à établir entre coaching, conseil et approches thérapeutiques. Il est d’ailleurs intéressant de constater qu’en France, le mot coaching revêt différentes traductions selon le contexte : « guidance » pour la santé, « direction d’athlète » ou « instruction » pour le sport et, dans le milieu professionnel, « mentorat » (une traduction qui peut prêter à débat), ou simplement « coaching ».

Cette nécessité de clarifier et d’encadrer le coaching est encore forte aujourd’hui. En effet, le terme « coach » peut être employé dans divers contextes, et n’importe qui peut prétendre en être un. D’où l’importance d’encadrer cette profession à travers des certifications, des diplômes validés par des organismes tels que l’ICF ou l’EMCC, une formation continue tout au long de la carrière, ainsi qu’une supervision, à l’image de ce qui est pratiqué chez les thérapeutes.

Le « coaching » devient de plus en plus incontournable dans notre monde d’aujourd’hui. Après une pratique relativement confidentielle dans les années 1980 et 1990, le nombre de praticiens grandit d’année en année. Cette croissance a réellement commencé à s’affirmer aux alentours de l’an 2000 (« The WileyBlackwell Handbook of the Psychology of Coaching and Mentoring », de Jonathan Passmore, David B. Peterson et Teresa Freire, WileyBlackwell, 2012). D’après une étude de l’International Coaching Federation (ICF), on comptait près de 71 000 coaches professionnels à travers le monde en 2019, ainsi que 15 900 managers ayant recours aux techniques de coaching. Ces statistiques montrent une augmentation significative de 33% pour les coaches et de 46% pour les managers par rapport à 2015, année de la précédente étude.

Bien que le nombre de managers ayant recours aux techniques de coaching paraisse limité, il convient de le mettre en perspective avec le nombre de coaches professionnels. En effet, tous ne sont pas membres de l’ICF. Actuellement, 22% des coaches professionnels sont managers, soit un ratio d’environ 1 manager pour 4 coaches. En 2015, ce ratio était de 5 pour 1, ce qui suggère une montée en popularité des techniques de coaching en entreprise. Toutefois, l’étude ne précise pas la prévalence de ces techniques selon les différentes professions présentes en entreprise.

L’étude de l’ICF ne fournit pas de précision concernant la formation initiale des coaches, qu’ils soient professionnels ou managers. On peut supposer que bon nombre d’entre eux proviennent du secteur des ressources humaines. En effet, sur LinkedIn, parmi les 4,45 millions de profils se revendiquant comme « coaches », 31 000 (0,7%) mentionnent également le titre « HR ». Parmi ces 12,8 millions de profils estampillés « HR », 101 000 (0,7%) s’identifient aussi comme « coach ». En revanche, certaines professions, comme celle de la finance, semblent moins représentées dans le coaching. Sur les 22,7 millions de profils associés au mot-clé « finance » sur LinkedIn, seulement 66 000 (0,3%) se déclarent également « coach ». De même, parmi les 4,45 millions de profils de coaches, seulement 12 000 (0,3%) mentionnent le titre « finance ».

De nouveaux enjeux pour le coaching lié à l’entreprise

Plusieurs tendances influent sur le coaching en entreprise. L’une de ces tendances est un sujet de fond depuis des années : structurer la pratique du coaching. Certains auteurs établissent une relation entre la philosophie et le coaching, évoquant notamment la maïeutique socratique, caractérisée par un questionnement constant. Cependant, l’émergence de « coachs » indépendants associant leurs méthodes à la psychiatrie ou à certaines disciplines médicales a parfois nui à la perception du coaching. Au-delà de ces débats dans le cadre du coaching lié à l’entreprise, ce sont les dimensions éthiques et déontologiques qui sont importantes. Si longtemps, le sujet a été la frontière poreuse entre formation, coaching et conseil, l’enjeu actuel est la clarification d’une relation tripartite entre le coach, le coaché et l’organisation. La mise en place de cette relation et sa continuation fait partie des enjeux actuels.

Une autre dimension à considérer concerne les divers niveaux et types de coaching en entreprise. Ces derniers s’articulent autour de deux axes principaux. D’un côté, on distingue différentes typologies de coaching : le coaching individuel (sollicité par le salarié, recommandé par la hiérarchie, intégré à un plan de formation, de promotion ou de reclassement), le coaching collectif (au sein d’une équipe d’organisation ou d’une équipe projet) et le coaching d’organisation, une dimension plus récente. De l’autre, il est possible de distinguer le coaching de management et le coaching de leadership. Pour le premier il s’agit d’accompagner un manager d’équipe.

Si cette pratique n’est pas récente, elle a pris au cours des dernières années une ampleur particulière, liée notamment dans un monde post-covid (donner du sens, niveau d’engagement ou de désengagement des équipes, grande démission et rétention des talents). Quant au coaching de leadership, il répond aux besoins d’un environnement professionnel en mutation, où la culture d’entreprise et les liens tissés au travail évoluent. L’enjeu pour les leaders est d’intégrer l’ensemble des parties prenantes, les questions de durabilité s’inscrivant dans cette dimension.

Par ailleurs, la pratique du coaching évolue également. De nouvelles approches émergent, notamment en lien avec l’évolution des entreprises. La dimension internationale par exemple contribue au développement de la symbolique associée au coaching. Le coaching en ligne, bien qu’encore en phase d’ancrage, représente une nouvelle tendance à suivre. De manière intéressante, l’histoire semble boucler la boucle, car le sport refait surface dans le coaching en entreprise, particulièrement dans la préparation mentale.

Un coach « business partner »

Une autre tendance clé, par un retour des modèles de relations, se développe : il s’agit du concept du manager-coach, sorte de nouveau « business partner » de l’entreprise.

Le « manager-coach » est vu comme quelqu’un qui utilise régulièrement des techniques comme le feedback et le questionnement ouvert, dans un climat de bienveillance. Il est à l’écoute, a une communication ouverte et se rend disponible si les membres de son équipe en éprouvent le besoin. Cette posture favorise un environnement de travail basé sur l’ouverture et la confiance.

Le manager-coach est souvent en charge d’équipes. Il n’a pas nécessairement une formation spécifique, mais plutôt un penchant naturel vers l’humain. Selon James Hunt et Joseph Weintraub, certaines caractéristiques préparent un manager à endosser le rôle et la posture de « manager-coach » : ils aiment aider, n’ont pas besoin de tout contrôler, ont de l’empathie naturelle, une ouverture à l’apprentissage et au feedback, un vrai intérêt pour les personnes et la conviction que chacun aime apprendre (« The Coaching Manager: Developing Top Talent in Business », de James M. Hunt et Joseph R. Weintraub, SAGE Publications Inc, 5 juillet 2002 / ​​« The manager as coach », de Andrea Ellinger, Rona Beattie et Robert Hamlin, SAGE Publications, 2018).

Le manager-coach, intéressé par l’apprentissage et la transmission des savoirs, se forme souvent lui-même aux méthodes de coaching. De nombreuses organisations mettent aussi en place des équipes de coaches internes, formés à ces techniques, qui sont alors en mesure de former à leur tour les managers à la posture de coach. L’objectif recherché est d’inciter l’organisation à utiliser tout son potentiel (à l’instar de « L’organisation sans peur » décrite en 2019 par Amy Edmondson, professeure de leadership et de management de la Harvard Business School), afin de la rendre plus performante car auto-apprenante dans un climat de bienveillance, qui accepte l’erreur comme mode d’apprentissage. Il s’agit d’une posture sur le long terme, qui se distingue du « command and control » (commander et contrôler de manière descendante) de par son focus sur une attitude consistant à « responsabiliser, développer et aider à enlever les freins » (« Multiple faces of coaching: Manager-as-coach, executive coaching, and formal mentoring », de Baek-Kyoo Joo, Jerilynn S Sushko et Gary N. Mclean, Organization Development Journal, 2012).

Un manager-coach n’est pas forcément issu des Ressources Humaines. Il peut occuper des postes tels que Directeur Administratif et Financier (DAF), Directeur marketing ou Directeur commercial. Prenons l’exemple du DAF : généralement élevé dans une culture de certitudes, il est encore fréquemment recruté de nos jours en tant qu’expert de problèmes complexes qui requièrent pourtant une approche toute autre. En adoptant la posture d’un manager-coach, qui englobe la capacité de créer un climat de confiance et de bienveillance, d’exercer une écoute active, de poser des questions ouvertes stimulant la créativité des équipes, et de se concentrer sur l’objectif final, un directeur aligné sur cette philosophie est davantage en mesure de surmonter et déjouer le paradoxe de l’expert confronté à des défis complexes.

Professionnaliser une pratique

Le coaching prend donc de l’importance en entreprise, mais pour autant il est primordial de maintenir une approche professionnelle de cette discipline. Sans cette rigueur, il y aurait un risque de trivialiser le coaching, laissant n’importe qui s’improviser et se proclamer coach.

Bien que le coaching ne soit pas réglementé de manière stricte, une éthique et des principes d’intervention définissent son exercice. Ces normes sont la fondation des certifications délivrées par des associations internationales telles que l’ICF et l’EMCC. L’obtention de ces certifications nécessite entre une à deux années de formation théorique et pratique, et elles doivent être mises à jour régulièrement. Cet entretien des pratiques est d’autant plus important que les méthodes peuvent évoluer, ainsi que le contexte. Le développement du coaching en distanciel après l’épisode pandémique en est une bonne illustration.

Le coach ne se substitue pas au client et ne propose pas directement de solutions, à l’inverse d’un consultant. Son rôle se limite à stimuler la réflexion de son client pour l’amener à découvrir les réponses qu’il possède déjà en lui, selon une approche maïeutique. Le coaching suit un processus avec un début, une fin et un objectif clairement défini. Au lieu de simplement transmettre des connaissances, le coach soutient la personne accompagnée dans son propre apprentissage.

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Attention, donc, au risque de voir le succès du coaching entraîner l’émergence d’un coaching amateur ; une dérive tout à fait possible. Le développement des managers-coach pourrait représenter une nouvelle perspective, une nouvelle manière de concevoir le développement des carrières au sein des entreprises. En effet, cette approche offre aux managers désireux de diversifier leur parcours professionnel, l’opportunité de partager leur temps entre leur fonction principale (finance, marketing, production, etc.) et le rôle de manager-coach.

 

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