Face à la montée du burn-out, il est essentiel pour les dirigeants de savoir comment intervenir. Voici 5 mesures à adopter lorsque l’un de vos collaborateurs exprime des signes d’épuisement professionnel.
Alors que le taux de rotation du personnel bat de nouveaux records (50,5 millions d’Américains ont quitté leur emploi en 2022), de plus en plus de dirigeants se sentent tenus de prêter attention au bien-être de leurs subordonnés. De nos jours, un grand nombre de salariés – jusqu’à 77 % d’entre eux, selon une étude de Deloitte – déclarent avoir déjà vécu un burn-out dans le poste qu’ils occupent actuellement.
Savoir s’il faut réagir et de quelle manière quand un employé vient vous voir pour vous parler de burn-out peut être compliqué. Comme ils n’y ont pas été formés, beaucoup de managers ne savent pas quoi faire dans l’immédiat et encore moins de quelle manière s’attaquer aux causes systémiques de ce mal.
Cette ignorance peut les conduire à suggérer des solutions qui masquent le problème sans vraiment le traiter, comme recommander à la personne de prendre quelques jours de congé, de suivre un cours de yoga ou d’apprendre à mieux gérer son temps. Elles peuvent contribuer à réduire momentanément le niveau de stress, mais elles ne s’attaquent pas aux causes profondes du mal telles que la charge de travail de l’employé, ses relations professionnelles compliquées ou son manque d’autonomie.
Même pour les mieux éclairés des dirigeants, discuter de burn-out avec un employé tout en s’appliquant à faire tourner l’entreprise peut être un vrai défi. Ainsi que l’un de mes clients, dirigeant d’une société, me l’a dit : « J’ai été formé au management, pas à la psychothérapie. […] Comment traiter ce sujet de manière productive tout en montrant que je me soucie de mes employés ? »
En m’appuyant sur mon travail de conseil auprès de hauts dirigeants sur des questions de résilience du personnel et d’initiatives de changement, j’ai identifié cinq mesures graduelles que les managers peuvent mettre en œuvre quand un employé vient leur dire qu’il est en burn-out.
- Traitez les inquiétudes de votre employé avec sérieux
Il peut être tentant pour un manager de considérer qu’un employé exagère, que ce qu’il présente comme un burn-out est bien plutôt un sentiment général d’être dépassé ou un manque de résilience. Mais que sa situation corresponde point par point à la définition officielle du burn-out ou pas, prenez-le au sérieux.
Nombre d’employés ne se sentent pas appréciés à leur juste valeur par leurs supérieurs hiérarchiques ; de fait, seul un sur quatre estime que son entreprise se préoccupe de son bien-être. Prenez le temps de discuter de la situation dès que possible en tête à tête et non pas à la va-vite dans un hall d’entrée affairé. Cela montrera que vous vous intéressez à la personne et que vous vous souciez d’elle. Une écoute attentive renforcera votre relation.
Pour que votre employé se sente entendu, assurez-vous de le laisser s’exprimer sans l’interrompre. Essayez d’attendre sept secondes, soit environ un cycle de deux inspirations lentes et profondes, avant de répondre. Prenez le temps de bien vous imprégner de ses paroles. Il est également important de ne pas vous faire d’idées préconçues sur ce qu’un individu dans cette situation peut ressentir ou sur la cause de son burn-out. Pratiquez l’écoute active en reformulant son propos. Demandez-lui si vous l’avez bien compris et assurez-vous de ne pas clore la conversation avant qu’il vous ait bien tout dit.
- Comprenez son ressenti
Quand un employé est tracassé, il peut être difficile de savoir s’il s’agit d’émotions négatives, d’un passage à vide temporaire, ou d’un vrai burn-out. En m’appuyant sur mes recherches et mon travail de consultante, j’ai imaginé trois questions qui permettent aux dirigeants de rapidement évaluer comment leur employé vit son burn-out :
Vous sentez-vous compétent et efficace dans votre poste ?
Avec cette question, vous saurez ce que l’employé pense de sa productivité, de sa performance dans son poste et de sa capacité à assumer ses responsabilités professionnelles. Sa réponse vous aidera à comprendre s’il a besoin de davantage de soutien, de formation ou de coaching afin d’être plus efficace.
Vous sentez-vous émotionnellement épuisé dans votre travail et/ou avez-vous des symptômes physiques ?
Cette question couvre les émotions négatives, la fatigue ainsi que les symptômes physiques tels que les migraines liées au stress, le fait de tomber fréquemment malade, l’insomnie ou l’anxiété. Les employés les plus performants continuent parfois d’accomplir leur travail alors que leur santé en pâtit, ce qui peut conduire une personne productive à la démission.
Vous sentez-vous cynique vis-à-vis de vos collègues et de vos clients ou vous souciez-vous moins d’eux qu’avant ?
Cette question vous permettra de mettre en lumière un changement d’attitude de l’employé vis-à-vis de son travail, ce qui ressort souvent sous forme de cynisme. Les individus habituellement inspirés et impliqués dans leur travail prendront ainsi conscience qu’ils sont en burn-out quand ils se rendront compte que ce dernier a perdu tout son sens pour eux.
Demandez à votre employé s’il éprouve ces sentiments rarement, parfois ou souvent. S’il répond « parfois » aux trois dimensions évoquées ci-dessus, cela indiquera qu’il est proche du burn-out tandis que s’il répond « souvent », cela voudra sans doute dire qu’il est déjà dans cette situation.
- Identifiez les causes fondamentales de leur burn-out
Identifier le type de burn-out que vit votre employé est crucial pour y répondre correctement. Par exemple, investir dans le développement de la personne peut permettre de contrer sa vision cynique de son employeur.
Commencez par lui demander ce qui le stresse le plus. Le plus souvent, votre employé sait à peu près ce qui induit en lui son sentiment de burn-out. S’il l’ignore, creusez le sujet en l’invitant à se remémorer un moment précis où il s’est senti particulièrement stressé ou en burn-out. Que se passait-il à ce moment-là ? Il pourra ainsi vous dire qu’il a eu l’impression d’avoir été en sous-effectif sur un projet donné, ce qui l’a amené à travailler tard et à manquer de sommeil. Cela vous permettra de déterminer si la source de son stress provient de son foyer (par exemple, à cause de pressions financières ou de responsabilités parentales) ou de demandes professionnelles (comme une dissonance entre les attentes que l’on a vis-à-vis de lui et le temps ou les ressources dont il dispose pour y répondre).
- Considérez des solutions à courts et à long terme
En tant que dirigeant, vous vous devez de répondre aux difficultés que rencontre votre employé dans l’immédiat, mais aussi sur le long terme, ce qui peut impliquer des solutions différentes.
Pour commencer, demandez-lui ce qui pourrait améliorer la situation dès à présent. Il aura peut-être des suggestions, comme d’être épaulé pour mener un projet à bien, de renégocier des délais irréalistes ou de prendre des jours de congé. Soyez attentif à ses doléances et voyez si vous pouvez y accéder dans l’immédiat.
Ensuite, interrogez-le sur ce qui pourrait arranger la situation sur le long terme. Ainsi, un employé aura peut-être besoin d’une semaine de vacances pour recharger ses batteries, mais il lui faudra bien revenir travailler. Il se peut qu’il ait alors des idées de changement plus substantielles, vous-même pouvant réfléchir de votre côté à ce que vous pourriez lui proposer. Selon ses besoins, ce pourra être de lui donner plus de flexibilité dans sa façon de travailler, de le changer d’équipe ou de projet ou de revoir le périmètre de ses responsabilités. À ce stade, il ne s’agit pas de résoudre tous ses problèmes, mais de commencer à envisager les options possibles.
Par exemple, un client que je conseillais avait un collaborateur qui ne semblait plus du tout motivé et qui se disait en burn-out. Il souffrait de migraines invalidantes et n’arrivait pas à tenir ses délais. Après avoir discuté avec lui, mon client a appris qu’on lui avait récemment diagnostiqué une affection neurologique, encore aggravée par des facteurs environnementaux (comme les éclairages au tube fluorescent et une absence de ventilation). Mon client a donc réfléchi avec son employé à un arrangement de court terme pour que ce dernier puisse télétravailler, ce qui a réduit son niveau de stress et l’a rendu plus performant. Dans le même temps, il a mis en œuvre les éléments d’une solution pérenne incluant un contrôle de l’éclairage et de la ventilation et un poste de travail ergonomique pour l’employé, ce qui a permis à ce dernier de retourner à son bureau et de se remotiver.
Dans une autre de mes entreprises clientes, un associé senior s’était retrouvé en première ligne pour s’occuper d’un proche après un deuil dans sa famille. D’excellent dirigeant débordant d’une énergie communicative, il était devenu quelqu’un d’avant tout enclin à dispenser des commentaires cyniques à longueur de réunion. Les entretiens d’évaluation de fin d’année montraient de plus que son attitude affectait le moral de l’équipe. En aidant cet individu à gonfler les effectifs de ses équipes en mission chez différents clients, nous lui avons permis de prendre du recul et du temps pour lui pour mettre en place un accompagnement pour son parent, tout en menant avec lui une réflexion sur ses comportements en tant que dirigeant.
- Mettre en place un plan de suivi
Régler un burn-out nécessite plus que des mesures ponctuelles ; des changements pérennes doivent aussi être mis en place. Travaillez avec votre employé pour définir ce que serait pour lui idéalement son état de bien-être et d’implication sur le long terme ; par exemple, ce pourrait être de se sentir dynamisé par son travail en fin de journée ou d’être affecté à des projets propices à des relations professionnelles riches. De là, travaillez à rebours pour identifier des étapes claires que vous et votre employé pouvez mettre en œuvre, comme de réserver des tranches de temps libres de toute distraction pour pouvoir se concentrer pleinement sur un projet ou une tâche. Prévoyez de faire des points réguliers pour mesurer les progrès accomplis.
Le burn-out affecte autant les dirigeants que les employés et contribue à une raréfaction des talents difficile et coûteuse à piloter. Lorsqu’une personne vient vous voir pour vous dire qu’elle est en burn-out, soyez prêt à réagir. En suivant ces cinq stratégies, vous serez mieux à même de résoudre les problèmes de burn-out et de garder vos meilleurs talent
Commentaires