Santé & Bien-être

« La chimioprévention du paludisme saisonnière : une stratégie vitale pour Kédougou » ( Professeur Alioune Thiongane, Coordonnateur national du PNLP)

0
Dans cet entretien, le Professeur Alioune Thiongane, coordonnateur national du Programme National de Lutte contre le Paludisme (PNLP), revient en détail sur l’importance de la campagne de chimioprévention du paludisme saisonnier, lancée le 5 juillet à Kédougou (est du Sénégal).

La campagne de cette année a bien failli ne pas voir le jour, en raison du retrait des financements de certains partenaires historiques, notamment l’USAID, à la suite des orientations de l’administration Trump. Malgré ces défis majeurs, le Professeur Thiongane a su mobiliser les ressources nécessaires pour maintenir cette initiative cruciale. Il aborde dans cet entretien les enjeux, l’efficacité et les objectifs de la campagne.

La campagne de chimioprévention du paludisme saisonnier, communément appelée CPS, est une stratégie préventive recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Pouvez-vous rappeler son fonctionnement et son efficacité ?

La CPS consiste à administrer des médicaments antipaludiques aux enfants âgés de 3 mois à 10 ans, afin de prévenir les cas de paludisme pendant la saison des pluies, période de forte transmission. C’est donc une mesure préventive médicamenteuse qui a fait ses preuves. Elle est mise en œuvre au Sénégal depuis 2016.

Concrètement, elle se déroule en 3 à 5 cycles selon les régions. Chaque cycle implique une administration mensuelle de médicaments pendant 3 à 4 jours. Le nombre de cycles est déterminé selon les régions, les districts sanitaires et les données épidémiologiques spécifiques.

Pourquoi avoir choisi le poste de santé de Ndiomi pour le lancement officiel de cette campagne ? Y a-t-il une signification particulière ?

Le lancement 2025 a eu lieu dans le district sanitaire de Kédougou, plus précisément au poste de santé de Ndiomi. Ce quartier avait enregistré une faible couverture lors des précédentes campagnes, en partie à cause d’une incompréhension sur l’utilité et l’efficacité de la CPS.

Notre choix s’est donc porté sur ce site pour renforcer la sensibilisation, rassurer les populations et améliorer l’adhésion à cette stratégie. Le lancement a été un succès : le chef de quartier, l’imam, et d’autres leaders communautaires étaient présents. Les témoignages recueillis montrent un net regain de confiance et d’engagement de la communauté.

Le premier passage de la CPS se déroule du 5 au 8 juillet. Quels sont les objectifs opérationnels fixés pour cette première étape ?

L’objectif principal est de couvrir un maximum d’enfants âgés de 3 à 120 mois, tout en mobilisant l’adhésion des populations à cette approche préventive.

Tous les médicaments et les cartes CPS d’identification sont disponibles. Des relais communautaires ont été recrutés et formés. Il ne restait qu’à lancer le déploiement sur le terrain afin de garantir une couverture maximale dans toute la région de Kédougou.

La région de Kédougou reste fortement touchée par le paludisme. Quelles sont les spécificités de la situation épidémiologique dans cette zone ?

Kédougou fait partie des trois à cinq régions les plus touchées du pays, avec une incidence pouvant atteindre 500 à 700 cas pour 1 000 habitants. Avec Kolda et Tambacounda, elle forme le groupe des KKT, zones à forte prévalence.

Sa situation géographique frontalière avec la Guinée et le Mali complique davantage la maîtrise du paludisme, du fait des mouvements transfrontaliers de populations. De plus, la saison des pluies y commence tôt et dure longtemps, ce qui favorise la prolifération des moustiques.

Les districts sanitaires de Dianké Makha et de Kédougou sont concernés par cette première phase. Quel est le dispositif logistique et humain mis en place pour assurer une couverture maximale ?

La campagne repose sur une organisation rigoureuse en plusieurs phases. D’abord, la phase préparatoire a permis de recruter et former les relais communautaires chargés de l’administration des médicaments et de la gestion des éventuels effets secondaires.

Ensuite, dans la phase opérationnelle, ces relais — y compris les « Bajenu Gox » et les Dispensateurs de Soins à Domicile (DSD) — assurent la distribution et la sensibilisation. L’équipe médicale encadrante est également mobilisée : le médecin-chef de district, son adjoint, ainsi que le directeur régional de la santé de Kédougou.

L’appel de fonds lancé aux entreprises minières traduit une volonté de partenariat local. Où en est-on avec leur contribution, et comment comptez-vous les impliquer davantage ?

Face à la baisse des financements, notamment suite au retrait de l’USAID, nous avons décidé de mobiliser de nouvelles ressources locales. Un appel a été lancé aux entreprises, en particulier celles du secteur minier, très présentes dans la région.

Un bureau « Partenariats, plaidoyer et mobilisation des ressources » a été mis en place au PNLP. Le chef de ce bureau va entamer une tournée pour rencontrer les responsables des entreprises et établir des conventions de partenariat. L’objectif est de structurer leur contribution au financement durable de la lutte contre le paludisme.

Le retrait de partenaires comme l’USAID et le PMI, principaux bailleurs du programme, représente un coup dur. Quel est l’impact réel sur le terrain et comment le PNLP envisage-t-il de combler ce vide ?

Ce retrait a créé un déficit important. Nous avons donc dû revoir nos priorités et recentrer le budget sur les activités à fort impact. Cela implique une gestion rigoureuse des ressources, en éliminant les dépenses non essentielles, tout en veillant à ne pas compromettre l’efficacité de la lutte.

Il s’agit d’un véritable ajustement stratégique, nécessaire pour maintenir les avancées et garantir la continuité des interventions.

Quels sont les messages clés que vous souhaitez adresser aux populations de Kédougou, notamment aux parents des enfants ciblés par cette campagne ?

Je lance un appel fort à toutes les parties prenantes — autorités sanitaires, administratives, territoriales, entreprises locales — pour soutenir cette campagne, tant sur le plan financier que logistique.

Aux parents, je recommande de faire confiance à la CPS, d’accepter les médicaments pour leurs enfants, et surtout d’utiliser les moustiquaires récemment distribuées par le PNLP, chaque nuit, pour toute la famille.

Enfin, à l’échelle nationale, où en est le Sénégal dans sa lutte contre le paludisme, et quelles sont les perspectives à moyen et long terme du PNLP pour atteindre l’élimination ?

Aujourd’hui, près de 50 districts sur les 79 que compte le pays sont en phase de pré-élimination, avec une incidence inférieure à 5 cas pour 1 000 habitants. Cela montre que l’élimination est un objectif atteignable.

Nous venons d’achever le plan stratégique 2021-2025, actuellement en évaluation. Un nouveau plan quinquennal (2026-2030) est en cours d’élaboration, avec comme objectif de faire du Sénégal un pays exempt de paludisme reconnu par l’OMS d’ici 2030.

Par Babou Landing Diallo

 

admin
Soutenez votre média indépendant de management : abonnez-vous à Afrik Management au service des individus et des organisations ! À 15 €/An A compter de février 2024, accédez à des contenus exclusifs sur et naviguez pour 15 € par an seulement ! Notre mission en tant que média de management ? Rendre le savoir accessible au plus grand monde. Nous produisons chaque jour nos propres articles, enquêtes et reportages, le tout à taille humaine. Soutenez-nous dans cette démarche et cette ambition.

Concord Access Solutions lance une innovation de nouvelle génération pour atteindre de nouveaux sommets

Previous article

Enseignement supérieur : le Pr Mouhamadou Lamine Ba plaide pour une alphabétisation à l’intelligence artificielle

Next article

Commentaires

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You may also like