Le James-Webb continue de surprendre les théoriciens de la cosmologie en découvrant des galaxies lointaines et anciennes qu’ils n’avaient pas vraiment prévues. Mais il est encore trop tôt pour savoir s’il s’agit d’indication qu’il faut revoir notre modèle cosmologique ou simplement que nous ne savons pas encore en tirer correctement certaines de ses prédictions. Aujourd’hui, c’est la découverte d’une galaxie spirale la plus ancienne connue à ce jour qui laisse les chercheurs perplexes.
Au sommaire
- D’Aristote au James-Webb
- Une grande galaxie spirale trop mature pour le modèle cosmologique standard ?
Depuis, notre savoir sur l’Univers-île que nous habitons, tel que le philosophe Emmanuel Kant le dénommait, n’a fait que progresser, notamment avec la cartographie de ses nuages de gaz via la fameuse raie à 21 cm de l’hydrogène et aujourd’hui grâce aux spectaculaires relevés astrométriques des positions et vitesses des étoiles de la Voie lactée, fournis par la mission Gaia.
Nous savons désormais que le Système solaire se trouve dans une galaxie spirale. Bien que Shapley en doutait encore au début des années 1920 avant d’être convaincu par les découvertes de son collègue et compatriote Edwin Hubble, les nébuleuses montrant des objets en forme de galaxies spirales sont bien extérieures à la Voie lactée à laquelle elles ressemblent, en étant parfois plus grandes, comme c’est le cas de la galaxie d’Andromède.
C’est l’aboutissement d’une quête millénaire de la noosphère s’interrogeant sur la nature et la structure de notre Galaxie. Il y a plus de 2 000 ans, Aristote pensait qu’il s’agissait d’une sorte de phénomène météorologique. Mais Démocrite et Anaxagore le concevaient déjà comme un rassemblement d’étoiles trop peu lumineuses pour être distinguées à l’œil nu. C’est finalement Galilée qui va véritablement faire démarrer l’étude scientifique de notre Galaxie en pointant vers la Voie lactée sa lunette, confirmant par ses observations les conceptions de Démocrite et Anaxagore.
Aujourd’hui, les héritiers de la lunette de Galilée sont en fait des télescopes et le plus étonnant en date n’est rien de moins que le télescope spatial James-Webb (JWST).

Cette image de Zhúlóng, la galaxie spirale la plus lointaine découverte à ce jour, montre ses bras spiraux remarquablement bien définis, un ancien bulbe central et un grand disque de formation d’étoiles, ressemblant à la structure de la Voie lactée. Cette galaxie a été découverte dans le cadre du relevé Panoramic, un relevé d’imagerie à grande échelle mené avec le télescope spatial James-Webb (JWST). © NOIRLab/NSF/AURA/Nasa/CSA/ESA/M. Xiao (Université de Genève)/G. Brammer (Institut Niels Bohr)/D. de Martin et M. Zamani (NSF NOIRLab)
Nous avons découvert plusieurs siècles après Galilée qu’il existe en fait plusieurs types de galaxies et nous avons entrepris d’expliquer comment elles se forment et évoluent depuis un peu plus de 13 milliards d’années, quelques centaines de millions d’années tout au plus après le Big Bang. Le James-Webb est l’outil pour sonder des strates de lumière ancienne de l’Univers observable à la recherche des premières populations de galaxies afin de tester nos théories cosmogoniques à leur sujet.
Les calculs, analytiques et surtout numériques menés dans le cadre du modèle cosmologique standard avec matière et énergie noire, font des prédictions quant à ce que le JWST devrait voir.
Or, la découverte révélée aujourd’hui d’une galaxie spirale – baptisée Zhúlóng – surprend les cosmologistes.
Comme l’explique un article publié dans Astronomy & Astrophysics, cette galaxie spirale découverte dans le cadre de l’étude Panoramic par une équipe internationale co-dirigée par Christina Williams, astronome au NOIRLab (National Optical-Infrared Astronomy Research Laboratory) et par Williams et Pascal Oesch de l’Université de Genève (Unige), est observée telle qu’elle était il y a 12,5 milliards d’années.
« Nous avons baptisé cette galaxie Zhúlóng, qui signifie ”dragon torche” dans la mythologie chinoise. Dans le mythe, Zhúlóng est un puissant dragon solaire rouge qui crée le jour et la nuit en ouvrant et en fermant les yeux, symbolisant la lumière et le temps cosmique. Zhúlóng se distingue par sa ressemblance avec la Voie lactée, tant par sa forme que par sa taille et sa masse stellaire », explique Mengyuan Xiao, chercheuse postdoctorale au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’Unige et auteure principale de l’article publié.

La galaxie spirale Zhúlóng a été découverte dans le cadre de l’étude Panoramic, menée par le télescope spatial James-Webb. © NOIRLab/NSF/AURA/Nasa/CSA/ESA/M. Xiao (Université de Genève)/G. Brammer (Institut Niels Bohr)/D. de Martin et M. Zamani (NSF NOIRLab)
C’est la galaxie spirale la plus lointaine connue à ce jour et elle apparaît étonnamment plus mature et massive qu’elle ne devrait l’être d’après les prédictions des théoriciens.
Le communiqué NOIRLab explique en effet que « les grandes galaxies spirales de conception grandiose, comme notre Voie lactée, sont fréquentes dans l’Univers proche. Mais elles se sont avérées difficiles à trouver dans l’Univers primordial, ce qui concorde avec les prévisions selon lesquelles les grands disques dotés de bras spiraux devraient mettre plusieurs milliards d’années à se former ».
Curieusement, « Zhúlóng présente une structure étonnamment mature, unique parmi les galaxies lointaines, généralement agglomérées et irrégulières. Elle ressemble aux galaxies de l’Univers proche et possède une masse et une taille similaires à celles de la Voie lactée. Sa structure présente un bulbe compact en son centre, composé d’étoiles âgées, entouré d’un grand disque d’étoiles plus jeunes qui se concentrent dans des bras spiraux ».
On pensait que les bras spiraux mettaient plusieurs milliards d’années à se former, mais Zhúlóng montre que cela pourrait aussi se produire en seulement un milliard d’années. Toutefois, cette galaxie reste une rareté, ce qui pourrait s’expliquer par le fait que les galaxies étant beaucoup plus proches il y a 13 milliards d’années, des interactions gravitationnelles avec collisions et fusions devaient être plus fréquentes, faisant des structures spirales des phénomènes transitoires dont les durées de vie ne deviendront plus importantes qu’après plusieurs milliards d’années d’expansion de l’espace.
Par FUURA
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