La Fondation Open Society, fondée par le milliardaire et philanthrope George Soros, a officiellement lancé ce lundi à Dakar trois vastes programmes supranationaux destinés à renforcer les dynamiques démocratiques, économiques et sociales en Afrique. Ces initiatives, d’une durée allant de cinq à huit ans, marquent un tournant stratégique majeur : elles adoptent pour la première fois une approche continentale, rompant avec la tradition d’interventions spécifiques à chaque pays.

Ce repositionnement stratégique vise à répondre à des enjeux transfrontaliers majeurs, comme le changement climatique, les pandémies, les crises de gouvernance ou encore les inégalités économiques, qui appellent des réponses coordonnées à l’échelle régionale ou continentale.

Vers une nouvelle génération de partenariats pour le développement

« Pour la première fois, il s’agira de projets continentaux. Les problèmes actuels comme la question climatique ou les pandémies nécessitent une approche globale, avec un focus sur les aspects économiques », a déclaré Binaifer Nowrojee, présidente de la Fondation, lors d’une conférence de presse organisée à Dakar. Elle était accompagnée d’Alexander Soros, président du Conseil d’administration, qui a également été reçu par le président Bassirou Diomaye Faye.

Ces programmes de long terme, Avenir démocratique, Avenir des ressources et Paix transformatrice, s’inscrivent dans la continuité de quatre décennies d’engagement de la Fondation Open Society en Afrique. Ils visent à renforcer les droits humains, promouvoir la justice sociale et encourager une gouvernance inclusive et durable sur le continent.

Trois axes stratégiques pour l’Afrique de demain

Avenir démocratique : une citoyenneté active et inclusive

Ce programme, prévu sur huit ans, sera déployé dans sept pays : Afrique du Sud, Ghana, Kenya, République démocratique du Congo, Nigeria, Sénégal et les pays sahéliens. Il vise à promouvoir des systèmes démocratiques plus ouverts, inclusifs et résilients. L’accent est mis sur la réduction des fossés générationnels, le renforcement de la participation citoyenne, en particulier des jeunes et des femmes, et la lutte contre les dérives autoritaires.

« Il ne s’agit pas seulement d’organiser des élections. Il faut construire une culture démocratique fondée sur la participation active, le dialogue social et la responsabilité des institutions », a expliqué Brian Kagoro, directeur général de la Fondation.

Avenir des ressources : une gouvernance équitable et écologique des richesses naturelles

Dans un contexte de demande mondiale croissante pour les minéraux stratégiques, cette initiative entend repositionner l’Afrique comme acteur souverain de son développement économique. S’étendant sur cinq ans, ce programme cible les pays riches en ressources naturelles comme la RDC, le Ghana, le Zimbabwe, le Mozambique et l’Afrique du Sud.

Il promeut une gouvernance transparente et responsable de l’exploitation minière, fondée sur la justice sociale et la protection de l’environnement. L’objectif est clair : faire en sorte que les bénéfices générés par les ressources naturelles profitent en priorité aux populations africaines, notamment aux communautés les plus marginalisées.

« La richesse minérale de l’Afrique doit nourrir les opportunités et la prospérité, et non l’exploitation. Nous voulons donner une voix aux communautés touchées par l’exploitation artisanale, leur permettre de participer à la prise de décision et de bénéficier équitablement des revenus », a déclaré Brian Kagoro.

Paix transformatrice : une consolidation des paix centrée sur les communautés

Dans les pays en conflit ou en situation de transition post-conflit, notamment au Sahel, en RDC, au Mozambique et au Soudan, le programme Paix transformatrice propose une approche radicalement différente de la consolidation de la paix. Il met l’accent sur l’inclusion des communautés locales, la justice transitionnelle et le leadership autochtone.

Michelle Ndiaye, directrice de cette initiative, a précisé que l’objectif est de « redonner le pouvoir aux communautés, en s’appuyant sur des solutions endogènes pour faire face aux traumatismes collectifs, reconstruire la cohésion sociale et prévenir les conflits futurs. »

Une mise en œuvre collaborative avec les acteurs africains

Ces trois programmes seront mis en œuvre en étroite collaboration avec les institutions publiques, les organisations de la société civile, les mouvements sociaux, ainsi que des structures régionales et supranationales, telles que l’Union africaine. Le président du Conseil d’administration, Alexander Soros, a souligné que cette coopération est essentielle pour garantir la pertinence, la durabilité et l’appropriation locale des initiatives.

« Nous ne venons pas imposer des solutions. Nous nous engageons à accompagner les dynamiques déjà à l’œuvre sur le continent, avec humilité et respect », a-t-il affirmé.

Avec ces programmes, la Fondation Open Society fait le pari d’une philanthropie réinventée. Dans un contexte où les tensions politiques, économiques et environnementales s’intensifient. Cette approche transversale pourrait bien constituer un levier important pour soutenir une transformation profonde des sociétés africaines.

Par Babou Landing Diallo