Organisation

3 façons de faire comprendre aux hommes blancs que les efforts en faveur de la diversité reposent sur eux

0

Publiquement, la plupart des dirigeants de grandes entreprises soutiennent les efforts pour accroître la diversité des profils et l’inclusion des employés. Cependant, la réalité que me donne à voir le travail que je mène en tant que consultante en diversité et inclusion est toute autre : un nombre surprenant de managers, du plus bas au plus haut de l’échelle, sont beaucoup moins enthousiastes sur ce sujet en privé. « Dès que l’on aborde ces questions, j’ai le sentiment que ma présence gêne », m’a ainsi rapporté un individu, tandis qu’un autre m’a confié avoir l’impression de faire partie du problème. Un troisième, énonçant un sentiment largement partagé, mais généralement tu, m’a aussi confié : « On dirait que tout le monde en a après les mâles blancs. »

D’après une étude sur le leadership qui porte sur les hommes blancs, la diversité et l’inclusion, l’obstacle le plus important que rencontre toute politique de ce type – selon 70% des salariés blancs interrogés – est de ne pas savoir s’ils sont vraiment« désirés ». Ce sentiment peut sembler injustifié aux yeux de ceux chargés de mettre en place ces politiques et qui s’efforcent d’impliquer les dirigeants, mais plutôt que de le balayer d’un revers de main, il serait plus intéressant d’essayer de comprendre ce qui le motive, car il n’y a que comme cela que l’on pourra faire de ces dirigeants des alliés et non des ennemis.

Pourquoi certains dirigeants se sentent sur la défensive

Chacun réagit de manière très différente aux commentaires sur les discriminations. Pour des individus qui ont été marginalisés, rien que le fait de donner voix à leurs expériences peut avoir un effet galvanisant. D’autres éprouveront de l’empathie tandis que d’autres encore, en particulier ceux qui n’y ont jamais été confrontés, pourront mal les interpréter. Pourquoi cela ? Faire partie d’une « identité privilégiée » permet de n’avoir jamais eu besoin, ou presque, de prendre conscience que l’on est une « identité ». Aux Etats-Unis, les individus qui souffrent d’injustices liées au genre, à la couleur de peau, à la religion, aux handicaps ou encore aux orientations sexuelles sont constamment ramenés à leurs différences, tandis que les hommes blancs, hétérosexuels, en pleine possession de tous leurs moyens physiques et mentaux peuvent vivre sans jamais avoir à réfléchir à toutes ces questions. Pour les dirigeants privilégiés, des commentaires en apparence inoffensifs entendus au travail peuvent ainsi les conduire à prendre conscience de leur race, de leur genre, ou encore de leur sexualité. Cependant, s’ils sentent que la caractéristique qui les définit est critiquée, cela peut les amener à se mettre sur la défensive.

Prenons quelques exemples. A entendre une femme dire « l’autre jour au travail, un homme m’a sifflée », un individu pourrait, consciemment ou non, être piqué au vif en tant que représentant de la catégorie « homme blanc ». Ou si quelqu’un affirme « la fragilité des Blancs complique encore les conversations déjà difficiles sur les questions raciales », un représentant de ce groupe pourrait se vexer d’être ainsi traité de personne fragile ! Ou encore, quand un homosexuel admet à ses collègues que le fait qu’ils n’imaginent pas qu’il puisse être autre chose qu’hétérosexuel le blesse, ceux-ci peuvent se demander s’ils devraient se sentir coupables d’être hétérosexuels.

Le sociologue Robin DiAngelo appelle ces réactions défensives aux critiques fondées sur la race « la fragilité blanche » et soutient que cela provient d’un manque de « résistance raciale » dû au peu d’exposition des Blancs à ces questions. Autrement dit, ces individus n’ayant pas eu l’occasion de réfléchir à ces sujets dans un espace protecteur, ils seront d’autant plus susceptibles d’être déstabilisés.

Il est clair que nous tous, en particulier nous les praticiens de la diversité et de l’inclusion, devons offrir aux Blancs et aux privilégiés des espaces sûrs d’un point de vue psychologique pour examiner ces sujets et en discuter. Sinon, au lieu de nous apporter leur soutien, ces dirigeants resteront sur la défensive. D’après mon expérience, deux exercices peuvent contribuer à avancer dans la bonne direction : poser la question de l’identité en termes de prise de conscience et se concentrer sur l’équité.

Poser la question de l’identité en termes de forces et de faiblesses

Souvent, les experts en diversité & inclusion considèrent que la question des identités n’est pertinente que pour ceux qui sont marginalisés. Pour eux, il s’agit avant tout de mettre en avant les individus de couleur, les femmes, les minorités sexuelles, les immigrés, les juifs, etc. pour contrer l’ostracisme dont ils sont victimes dans une société organisée autour des hommes hétérosexuels blancs dont on n’aurait pas besoin de s’occuper. Cependant, concevoir des actions en faveur de la diversité et de l’intégration sur la base de ce raisonnement ne peut que donner aux Blancs le sentiment qu’ils n’y ont pas leur place, ce qui est totalement contre-productif dans des entreprises où ces quelques privilégiés détiennent le pouvoir.

Ce que nous pouvons faire plutôt, c’est reformuler ce raisonnement en termes de leçons : les forces et les faiblesses de l’identité. Prenons, par exemple, cette affirmation : « Les Blancs comprennent partiellement, mais parfaitement, le rôle que jouent les races dans la société ». De telles déclarations désignent une identité (l’homme blanc), lui associent des valeurs (partiellement et puissamment) et les situent dans un contexte qui encourage de futures discussions (quel est le rôle des races dans la société). On peut également facilement élargir la conversation en posant des questions du type : « Comment d’autres groupes raciaux comprennent-ils le rôle que jouent les races dans la société ? En quoi leur expérience est-elle différente ? Pourquoi ? »

Je me suis récemment servi de cet exercice lors d’une intervention ponctuelle face à un groupe de dirigeants venus de tous les Etats-Unis, dans le cadre d’un cours sur le leadership juste et inclusif qu’une de mes collègues assure à l’Ecole de management de l’université de Berkeley. J’ai demandé aux élèves : « Vous savez tous très bien quel est l’impact du genre dans vos entreprises respectives ». Dans la salle, les femmes ont opiné, mais les hommes ont eu l’air sceptique. L’un d’entre eux a commenté : « Je sais très bien comment fonctionne mon entreprise. Ce qu’il faut faire pour obtenir une promotion, comment les problèmes sont résolus et les décisions sont prises. Mais ma femme m’a appris que les choses fonctionnaient différemment pour elle. C’est elle l’expert en genre, pas moi. » J’ai reformulé la première partie de sa déclaration : « Ce que vous voulez dire, c’est que votre femme sait très bien comment votre entreprise fonctionne pour les femmes et que vous, vous savez comment elle fonctionne pour les hommes. »

Se concentrer sur l’égalité

L’égalité, ou « l’équité », est l’un des piliers de notre culture : tout le monde devrait pouvoir réussir et être récompensé pour ce qu’il accomplit. Quand je travaille avec des managers blancs, je leur dis souvent : « Je sais que vous vous souciez de l’égalité des chances dans votre entreprise. Votre position d’homme blanc hétérosexuel vous permet de très bien comprendre comment cela se passe dans cette organisation pour des gens comme vous. Mais votre responsabilité, en tant que leader, est aussi de comprendre ce qu’il en est pour d’autres personnes et de vous assurer que tout le monde vit bien les choses. » Ces trois phrases aident à plusieurs titres. Tout d’abord, elles mettent le doigt sur l’identité d’homme blanc hétérosexuel sans juger ni condamner. Ensuite, elles valorisent cette identité en la liant à une expertise, sans cependant occulter le fait qu’elle a ses limites (un individu de ce groupe ne saura pas, d’emblée, comment une femme indigène bisexuelle percevra l’entreprise). Et enfin, elles associent explicitement l’humilité et la curiosité – nécessaires à la réussite d’un programme diversité et intégration -, aux qualités que doit posséder un bon dirigeant.

Dans les années 1970, le psychologue américain Elliott Aronson (il est classé parmi les 100 psychologues les plus éminents du 20ᵉ siècle) et ses étudiants ont développé et popularisé une technique d’enseignement appelée « la classe Jigsaw » qui consistait à donner à chaque étudiant au sein d’un groupe une partie de la solution à un problème posé, seule la collaboration de tous permettant de le résoudre. Cet apprentissage partagé, où tout un chacun détient un savoir précieux tout en ayant besoin des autres pour répondre au défi posé est une bonne analogie de la manière dont on peut associer des dirigeants privilégiés aux efforts de diversité et d’intégration de l’entreprise. Ce n’est qu’en considérant les expériences uniques de tout un chacun comme les pièces d’un puzzle complexe que l’on parviendra à désamorcer l’attitude défensive de certains d’entre nous et à trouver le moyen de créer, ensemble, un monde plus juste.

PAR Harvard Business  Review France

admin
Soutenez votre média indépendant de management : abonnez-vous à Afrik Management au service des individus et des organisations ! À 15 €/An A compter de février 2024, accédez à des contenus exclusifs sur et naviguez pour 15 € par an seulement ! Notre mission en tant que média de management ? Rendre le savoir accessible au plus grand monde. Nous produisons chaque jour nos propres articles, enquêtes et reportages, le tout à taille humaine. Soutenez-nous dans cette démarche et cette ambition.

Voici le jour où l’on meurt le plus en France, selon l’Insee

Previous article

Comment incarner un leadership gagnant aujourd’hui ?

Next article

Comments

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You may also like

More in Organisation