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Entrepreneuriat – Relation personnelle: Un outil important pour construire sa carrière

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La carrière ne se construit pas seul, mais souvent en s’appuyant sur un réseau de relations personnelles forgées au fil des expériences professionnelles. Ces personnes vont apporter diverses ressources essentielles.

Par Harvard Business Review France 

D’abord, des ressources purement instrumentales, qui aident directement à « avancer » dans sa carrière. C’est, par exemple, le soutien que vous allez recevoir de quelqu’un qui fait partie d’un comité de promotion ou encore les conseils que l’on peut vous donner sur la meilleure manière de valoriser votre profil.

Mais le réseau apporte aussi des ressources psycho-émotionnelles, comme des encouragements dans des moments difficiles, qui réduiront le stress et conforteront votre confiance en vous.

Enfin, le réseau influence aussi votre carrière en fournissant des modèles, des personnes sources d’inspiration et dont le parcours va élargir votre perception des opportunités et des bons comportements à adopter.

Mais hommes et femmes ont-ils un accès égal à toutes ces ressources ? Est-ce que les inégalités de carrière entre hommes et femmes peuvent s’expliquer par des différences dans la qualité et l’utilisation de ce réseau? Plusieurs recherches semblent l’indiquer.

Trois effets de réseau qui pénalisent la carrière des femmes

Un rapide survol de la recherche montre que les hommes n’ont pas forcément un réseau plus large, ni plus diversifié ou plus solide que celui des femmes. Autrement dit, on peut dire que hommes et femmes ont des réseaux globalement similaires. Seul un aspect de leur composition apparait comme différer presque systématiquement: la proportion d’hommes est généralement plus élevée dans le réseau d’un homme que dans celui d’une femme (« Whether, How, and Why Networks Influence Men’s and Women’s Career Success: Review and Research Agenda », de M. L. Woehler, K. L. Cullen-Lester, C. M. Porter et K. A. Frear, Journal of Management, 2021).

Ce phénomène n’étonnera aucun sociologue : il répond au principe d’homophilie, suivant lequel il est plus facile de se lier avec quelqu’un qui nous ressemble. Dès lors, dans tous les contextes structurellement inégaux où la majorité des personnes qui décident sont des hommes, il est plus difficile pour une femme de créer des liens forts avec ces personnes influentes. In fine, elles bénéficient donc moins de sponsors puissants, ainsi que toutes sortes d’autres ressources instrumentales.

Ce phénomène peut être accentué par le fait que la constitution des réseaux se fait souvent en dehors des heures de travail (par exemple, un afterwork). Et même lorsque ce n’est pas le cas, ce temps-là entre en concurrence avec celui qu’il faut consacrer à des tâches plus fondamentales. Or, lorsque la répartition du travail domestique et familial est inégalitaire, ce qui est le cas le plus fréquent en France, les femmes n’ont pas la même possibilité que les hommes de « diluer » leur journée de travail pour y greffer des moments de pur réseautage (« Sur le terrain des tâches domestiques l’homme est remplaçant », INSEE, 2023).

Un deuxième phénomène concerne les stéréotypes qui régissent les comportements au travail. Selon qu’il vient d’un homme ou d’une femme, un même comportement de réseau est perçu différemment. Par exemple, un résultat classique en recherche est le fait qu’un réseau est d’autant plus bénéfique qu’il est composé de personnes qui ne se connaissent pas entre elles.

Une telle position permet en effet d’avoir accès à des informations très différentes et aussi d’avoir une visibilité professionnelle dans de nombreuses strates de l’organisation et au-delà. Mais plusieurs travaux suggèrent qu’une telle position bénéficie bien plus aux hommes qu’aux femmes. L’explication st que cette position centrale, de « réseauteur par excellence », ne colle pas avec ce qui est souvent attendu d’une femme. Par conséquent, les personnes de son réseau sont moins enclines à lui donner accès à leurs ressources et informations (« Just Like a Woman? Effects of Gender-Biased Perceptions of Friendship Network Brokerage on Attributions and Performance », de R. A. Brands et M. Kilduff, Organization Science, 2014).

Un dernier mécanisme, enfin, concerne la manière dont les femmes se perçoivent elles-mêmes, ce qui peut parfois les conduire à sous-utiliser leur réseau. Des chercheuses allemandes de l’EBS Business School ont interrogé des femmes en position de leadership dans des grandes entreprises allemandes. Elles constatent que les femmes hésitent plus à adopter des comportements de réseautage que les hommes, pour deux raisons (« Why women build less effective networks than men : The role of structural exclusion and personal hesitation », de E. Greguletz, M.-R. Diehl et K. Kreutzer, Human Relations, 2019).

D’abord, parce qu’elles y attachent plus facilement une dimension morale et sont inconfortables avec l’idée de « profiter » d’autres personnes et d’abandonner une forme d’authenticité dans les relations sociales. Ensuite, parce qu’elles tendent à sous-estimer la valeur des ressources qu’elles peuvent apporter aux personnes de leur réseau (ce que les auteures de l’étude appellent « une humilité de genre »).

Comment « renverser le réseau » ?

Si l’on en croit toutes ces recherches, il est urgent que les organisations intègrent mieux la dimension réseau dans leur politique de réduction des inégalités hommes-femmes ! Cela améliorera d’ailleurs leur propre performance – et non pas seulement le succès professionnel des femmes – en faisant apparaître « dans les radars » les femmes talentueuses qui en sont tenues à l’écart par les mécanismes de réseau décrits précédemment.

Alors, comment s’y prendre ? La mesure la plus évidente est bien sûr de former et sensibiliser les dirigeants – hommes comme femmes – aux biais de genre, souvent inconscients. Certes, des formations pour mettre à jour des biais de genre existent. Mais elles sont généralement focalisées sur la manière dont sont perçues les compétences individuelles, et traitent rarement de la dimension réseau.

Les organisations doivent aussi sortir d’une vision du réseautage comme une sorte de responsabilité individuelle incombant à chacun, à mener en plus de son travail. Cela signifie reconnaître le temps consacré au réseautage comme constitutif du temps de travail, le valoriser et l’encourager, en évitant qu’il entre trop en concurrence avec l’exécution du cœur des missions du collaborateur. Que les « afterworks » se passent pendant le travail et non après, par exemple.

Plus généralement, plus l’équilibre vie personnelle / vie professionnelle est une priorité de la politique RH, plus on peut espérer permettre aux femmes de construire et bénéficier de leur réseau autant que les hommes.

Une autre possibilité consisterait à donner toujours plus d’occasions aux femmes de participer à des projets transverses afin qu’elles aient l’occasion de rencontrer des personnes qu’elles ne rencontreraient pas autrement. Elles nouent ainsi une certaine proximité professionnelle avec d’autres femmes ou hommes de l’organisation, élargissant leurs sources d’information, de conseil voire de soutien dans les différentes unités de l’entreprise.

Une autre piste est de mettre en place des groupes de soutien et des programmes de mentorat spécifiquement pour les femmes, facilitant les connexions avec des modèles féminins et offrant des conseils de carrière pertinents. Dans les milieux masculins, en particulier, il semble que les femmes aient plus besoin des (rares) autres femmes que des hommes.

Dans une étude sur les diplômés d’un programme MBA, des chercheurs américains de la Kellogg School of Management observent chez les hommes un résultat assez classique : être central dans un réseau est bénéfique, car cela permet d’accéder rapidement à des informations variées sur le marché du travail. Chez les femmes, le résultat obtenu est similaire sauf qu’elles ont aussi besoin, en parallèle, d’un cercle plus restreint de contacts féminins très proches (des « liens forts »). Par ce biais, elles accèdent à des informations plus privées, comme les attitudes de tel ou tel employeur envers les dirigeantes. Les femmes qui ont cette double structure de réseau obtiennent des postes de direction mieux rémunérés et à plus haut niveau de responsabilité.

Ce potentiel des réseaux de liens forts entre femmes apparaît aussi dans l’étude des producteurs et productrices de Champagne, réalisée par Ody-Brasier et Fernandez-Mateo (« When Being in the Minority Pays Off : Relationships among Sellers and Price Setting in the Champagne Industry », de A. Ody-Brasier et I. Fernandez-Mateo, American Sociological Review, 2017).

Isolées dans un monde très masculin, les exploitantes ont tendance à constituer entre elles des réseaux très forts, qui leur permettent d’échanger beaucoup d’informations, à rebours des normes du secteur qui valorisent plutôt le secret et l’individualisme. Elles en retirent un « pricing power » plus élevé.

Ce dernier exemple, qui dépeint des femmes réseautant différemment de ce que la norme de leur secteur préconise, nous invite sans doute à questionner plus largement ce qui se dit en entreprise sur les réseaux. En particulier, le discours qu’entendent les jeunes recrues de la part de leurs managers sur le rôle du réseau pour la carrière a tendance à valoriser une approche très « politique », concevant surtout le réseau comme un outil pour obtenir les faveurs de quelques personnes influentes.

Des recherches suggèrent que cette vision (peut-être typiquement masculine ?) est très restrictive car elle néglige le potentiel de toutes les relations qui sont créées sans but immédiat, mais dont l’utilité peut se révéler beaucoup plus tard (« Everybody’s looking for something : Developmental networks as subjective career relationships », de B. Chollet, G. Islam et S. Ventolini, Journal of Vocational Behavior, 2021).

Certaines représentations caricaturales du rôle du réseau, à force d’être véhiculées et enseignées par les managers au travers de soi-disant « bonnes pratiques », finissent par se valider elles-mêmes et par disqualifier un peu trop vite ceux – et surtout celles – qui font différemment.

Par Harvard Business Review France 

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