Chaque année, des milliers d’organisations à but non lucratif doivent remplacer un fondateur sortant. Instinctivement, on aurait tendance à opter pour une rupture nette. Ainsi, pense-t-on, le successeur pourra jouir d’une liberté et d’une autorité claires, et éviter tout risque d’ingérence – c’est aussi la logique des entreprises cotées.
Mais une nouvelle étude montre qu’on peut tirer d’importants bénéfices en continuant d’impliquer les fondateurs d’organisations à but non lucratif : non seulement le successeur peut tirer profit des compétences et des connaissances du dirigeant sortant, mais la loyauté du personnel, du conseil d’administration et des financeurs peut être plus facilement conservée.
Les chercheurs ont analysé 106 transitions de fondateurs d’organisations à but non lucratif ; ils ont également enquêté auprès de plus de 500 fondateurs, successeurs, présidents de conseils d’administration et autres au sujet des successions, et ont réalisé 49 entretiens approfondis. Ils ont découvert que, dans le cadre de transitions volontaires, les conseils d’administration optent bien plus souvent pour une continuité du rôle du fondateur que pour une rupture totale – et la plupart des sondés dans ces organisations font état de retombées positives.
Les chercheurs soulignent toutefois que cette démarche ne doit être entreprise que si les quatre conditions suivantes sont réunies : le fondateur souhaite et est en mesure de rester impliqué ; le conseil d’administration y voit un intérêt ; le fondateur est disposé à assumer un nouveau rôle ; et le successeur est prêt à travailler avec le fondateur. Cette relation n’est pas simple, mais plusieurs mesures peuvent augmenter ses chances de succès. Les organisations doivent définir clairement le nouveau rôle du fondateur et le limiter à des domaines d’intérêt et d’expertise spécifiques (tels que le maintien des liens établis avec les financeurs) ; prévoir un coaching pour aider le fondateur et le successeur à gérer cette nouvelle relation ; développer un processus de résolution de conflits ; séquencer le transfert de loyauté des parties prenantes, en commençant peut-être par le personnel et le conseil d’administration avant de passer aux financeurs ; et créer une séparation initiale pour éviter toute confusion et permettre au successeur de prendre ses marques.
En outre, l’étude a montré que les transitions au cours desquelles un fondateur assumait un nouveau rôle, dans la continuité, et travaillait main dans la main avec un successeur interne produisaient les meilleurs résultats sur le plan de la performance financière, du déroulement du mandat du successeur, et de l’autoévaluation des résultats. « La rupture nette est loin d’être une solution universelle, écrivent les chercheurs. Les conseils d’administration auraient intérêt à envisager de redéfinir un rôle pour le fondateur, en particulier lorsque le successeur est promu en interne. » Si l’étude n’a pas examiné les transitions au sein des entreprises, les chercheurs indiquent que les conditions nécessaires pour maintenir un fondateur dans une organisation à but non lucratif pourraient s’appliquer à n’importe quelle entreprise dirigée par son fondateur.
À PROPOS DE LA RECHERCHE « Making Founder Successions Work », par Jari Tuomala, Donald Yeh, et Katie Smith Milway (« Stanford Social Innovation Review », 2018).
Par Harvard Business Review France
Commentaires