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L’oeuvre d’une vie : Blaise Matuidi, du foot à la tech

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Ex-footballeur international, champion du monde 2018 avec l’équipe de France, Blaise Matuidi a entamé, il y a deux ans, une reconversion dans le monde des affaires. La start-up qu’il vient de lancer, Playse, propose aux enfants amateurs de football des entraînements en petits groupes, avec des coachs professionnels, à proximité de chez eux. Au cœur de ce projet, l’envie de transmettre. Une valeur forte pour le sportif de 37 ans.

HBR France : Comment êtes-vous arrivé au football ?

Blaise Matuidi : Je suis le plus petit de ma famille. Mes grands frères jouaient au football et comme j’avais envie d’être avec eux, c’est ainsi que tout a commencé. Puis, lorsque nous avons déménagé à Paris, l’un d’eux m’a inscrit dans un club. C’est grâce à lui que j’ai aimé ce sport.

Vous avez un sacré palmarès : champion du monde en 2018, cinq fois champion de France, trois fois champion d’Italie… Quel a été le moment le plus fort de votre carrière de footballeur ?

Le Mondial de 2018. Je me souviens encore, quand j’avais dix ans, voir l’équipe de France de 1998 remporter la Coupe du monde. J’étais un enfant qui vivait de rêves. En 2018, ils se sont réalisés. Passer professionnel à 18 ans a été aussi un moment charnière. Cela faisait des années que je travaillais pour atteindre cet objectif. J’ai quitté ma famille à 13 ans. J’ai fait ce sacrifice, être loin de mes parents et de mes amis, pour suivre mon chemin. A ce moment-là, je me suis dit que je n’avais pas fait tout cela pour rien.

Vous avez passé six ans au Paris Saint-Germain, avant d’intégrer la Juventus de Turin. Rejoindre un club italien aussi prestigieux, était-ce une consécration ou votre club de cœur est-il resté le PSG ?

Même si le PSG est resté mon club de cœur, intégrer la Juventus était une suite logique. Je voulais aller à l’étranger et jouer dans un club mythique. J’y ai découvert un club où le travail et la rigueur sont des valeurs phares. Cela m’a plu, car je suis moi-même un travailleur. Sans le travail, je ne serais pas arrivé à ce niveau. Et peut-être que si je n’avais pas été à la Juventus, je n’aurais jamais été champion du monde.

Vous le dites vous-même : « Je n’étais pas forcément le plus talentueux, mais c’est grâce au travail que je suis devenu professionnel. »

Le travail, c’est ma devise depuis tout jeune. Je donnais le meilleur de moi-même pendant les matches, mais aussi à chaque entraînement. A Clairefontaine, je n’étais pas le plus talentueux, le coach me le rappelait régulièrement, mais le goût du travail m’a permis de passer professionnel, d’intégrer les meilleures équipes en France et en Italie, puis de porter le maillot bleu de l’équipe de France. Ce que Didier Deschamps me demandait, je faisais en sorte de le mettre en place. J’étais un joueur de devoir, c’est ce qui m’a permis d’aller loin.

Vous avez d’ailleurs des trajectoires plutôt semblables : vous avez tous les deux joué en Italie, vous étiez à un poste assez proche…

C’est vrai que lorsqu’on échangeait, on se comprenait rapidement. Nous avons appris à nous connaître, nous avons souffert ensemble, gagné ensemble… Un lien fort nous unit. Aujourd’hui encore, je le vois bien plus que comme un coach.

Vous avez mis fin à votre carrière en 2022, à 35 ans. Pourquoi si tôt ?

Mentalement, je n’y étais plus. C’était donc le bon moment. J’avais accompli ce que je voulais, voire davantage que ce que j’avais pu imaginer 20 ans auparavant. Cela n’a pas été difficile car j’étais préparé. J’ai commencé très tôt à penser à l’après : dès 2013, je me suis intéressé au monde de l’entrepreneuriat, j’ai fait des rencontres… Je me disais que les compétences que je déployais dans le foot pouvaient être transposées au monde de l’entreprise. J’avais ce goût du risque. Quand on prend sa retraite sportive à 35 ans, il y a encore une vie derrière. C’est pourquoi il ne faut pas subir les choses.

Quelles sont les compétences que vous avez développées en tant que footballeur et que vous utilisez aujourd’hui encore dans votre vie d’entrepreneur ?

Le goût du travail et la résilience. Sans le goût du travail, on ne peut pas jouer au football ni entreprendre. Et lorsque l’on trébuche, il faut savoir se relever. J’ai cette volonté de ne jamais abandonner. Et puis, la capacité à faire des sacrifices : on en fait beaucoup quand on est entrepreneur. On est souvent loin de chez soi.

Vous avez joué comme milieu de terrain, un poste moins exposé que d’autres, tels que gardien ou attaquant. Dans le monde de l’entrepreneuriat, êtes-vous également un « relayeur » ou endossez-vous un rôle différent ?

Au cours de mes dernières années, en équipe de France ou ailleurs, j’étais plutôt un leader et j’ai gardé cet état d’esprit. Pour être entrepreneur, il faut savoir emmener ses salariés, leur donner envie de te suivre et de te respecter. Là aussi il s’agit d’une équipe finalement.

On ne choisit pas ses coéquipiers mais on peut choisir ses associés. Comment vous entourez-vous ?

Je suis un fonceur et je veux emmener avec moi des personnes qui ont le goût du risque, qui ont envie d’aller loin. Mais comme je ne suis pas un expert, je dois m’entourer d’individus qui ont des compétences complémentaires aux miennes.

Vous dites ne pas avoir peur de l’échec. Vous êtes un jeune entrepreneur mais avez-vous malgré tout, au cours des deux dernières années, déjà rencontré l’échec ?

Oui, je me suis parfois trompé. J’ai investi du temps et de l’argent dans plusieurs entreprises qui n’ont finalement pas marché. Mais quand on est entrepreneur, cela fait aussi partie des risques à prendre. Et puis, on en tire toujours quelque chose. J’ai gagné en expérience et cela m’a permis de faire des rencontres qui m’ont été utiles par la suite.

En 2022, vous avez lancé Origins, un fonds d’investissement dans la tech, puis Playse cette année. Comment est née l’idée de Playse ?

Malgré mon expérience dans le football, mon fils de sept ans ne m’écoutait pas, car je suis son papa. J’ai essayé de l’entraîner, mais rien n’y faisait. Je lui ai alors trouvé un coach, mais il était loin de chez moi, c’était compliqué. Je me suis dit : pourquoi ne pas créer une plateforme où un coach expérimenté, proche de chez soi, proposerait des séances de foot individuelles ou en petits groupes ? J’avais envie de transmettre quelque chose à mon fils, mais aussi aux jeunes qui ont envie de progresser. A mon époque, je jouais en bas de chez moi mais, aujourd’hui, avoir la possibilité d’avoir un accompagnement plus personnalisé, c’est un plus qui fait la différence. Il y a des compétences qu’il est bon d’acquérir jeune : ne pas être focalisé sur le ballon ou sur son jeu, et savoir tenir compte de son environnement et des autres joueurs.

En quoi cela « dépoussière-t-il le football », comme vous dites ?

Le football, c’est un jeu. En club, on perd parfois un peu cette dimension plaisir et ceux qui ne sont pas dans l’équipe A peuvent être mis de côté. Or, à 10 ou 11 ans, cela me semble trop tôt pour définir le parcours d’un enfant. A cet âge-là, j’étais en équipe C. Avec Playse, on peut avoir le même coach, le même entraînement et le même savoir-faire, quel que soit son niveau.

Il y a aussi une dimension cognitive…

Oui, car le football ne consiste pas seulement à taper dans un ballon. La dimension mentale est importante également. Dès leur plus jeune âge, on fait comprendre aux enfants qu’il faut apprendre à réfléchir, à anticiper, à analyser… Il est question de motricité mais aussi de perception cognitive. Cela peut même en aider certains à mieux se concentrer à l’école, par la suite.

Vous utilisez de la data pour suivre ce que fait l’enfant, ses résultats, pour voir comment il évolue… N’y a-t-il pas un risque que la quête de performance devienne une obsession pour l’enfant, comme pour ses parents, et qu’il se sente sous pression ? On est loin de l’image : un ballon, un terrain et des copains…

La data est avant tout réservée aux enfants, pas aux parents. Et puis, à six ans, c’est bien trop tôt. Il ne faut pas l’utiliser avant 13 ou 14 ans, selon moi. Je vois cela surtout comme de la gamification. A nous de le présenter ainsi. La meilleure chose à faire est de laisser les enfants s’épanouir, sans leur mettre la pression.

Qu’est-ce qui occupe le plus vos journées ?

C’est variable. J’ai commencé l’année en dédiant 70% de mon temps à Origins et aujourd’hui, je me consacre essentiellement à Playse. Mon objectif n’est pas financier, c’est d’éduquer, de partager et de transmettre, à l’image de l’académie Alima que j’ai inaugurée au Congo. L’ambition est de donner une chance à des jeunes car, lorsque j’étais enfant, on me l’a donnée, cette chance.

par Harvard Business Review France

admin
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