L’oxygène essentiel à la vie ? C’est vrai aujourd’hui, mais ça l’est beaucoup moins pour la période antérieure au Dévonien. Si l’on sait que les taux d’oxygène dans les océans, et donc également dans l’atmosphère, sont longtemps restés très bas, une nouvelle étude révèle que leur augmentation drastique ne daterait que de 400 millions d’années. Bien après l’apparition des premiers animaux.
Si aujourd’hui l’oxygène semble être un élément essentiel et nécessaire à la vie, cela n’a pas toujours été le cas dans l’histoire de la Terre. Les premiers organismes vivants sont en effet apparus dans un environnement dépourvu d’oxygène. On pense en effet que la vie serait née dans les océans, au niveau de sources hydrothermales, et sur la base de réactions chimio-synthétiques impliquant d’autres éléments que l’oxygène.
L’augmentation des taux d’oxygène dans l’atmosphère et les océans est en effet relativement tardive et intimement liée aux processus biologiques. L’oxygénation de la planète est donc une conséquence du développement du vivant, et non l’inverse. Mais en retour, l’augmentation de la teneur en oxygène aurait eu une influence sur l’évolution de la vie terrestre, en permettant notamment le développement d’organismes plus complexes. Le dioxygène est en effet une molécule qui permet des réactions métaboliques peu gourmandes en énergie. Évolution du vivant et taux d’oxygène sont donc intimement liés.
Une augmentation très tardive du taux d’oxygène dans l’atmosphère
Deux grandes étapes marquent ainsi l’histoire terrestre. La première est celle de la Grande Oxydation, ou Grande Oxygénation, qui s’est produite entre 2,4 et 2 milliards d’années. L’apparition de cyanobactéries photosynthétiques a pour effet de faire augmenter les taux d’oxygène dans les océans, où sont présents de nombreux éléments réducteurs, comme le fer. La majorité de l’oxygène alors libéré va être dans un premier temps « consommée » par des réactions d’oxydation de ces éléments réducteurs, entraînant la formation de certains dépôts caractéristiques que l’on appelle les fers rubanés. Le taux d’oxygène « libre » reste donc très faible. Il ne commencera à augmenter et à implémenter la composition de l’atmosphère qu’à partir du moment où ces réactions d’oxydation arrivent à saturation. La teneur en oxygène va toutefois rester très loin de l’actuelle pendant encore un bon moment, car ce sont désormais les roches continentales qui vont s’oxyder et agir comme « puits à oxygène ».
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Ce n’est que vers 800 à 550 millions d’années que ces puits vont arriver à saturation et que l’on va observer une augmentation rapide, et drastique, de la quantité d’oxygène dans l’atmosphère. Si cet enchaînement d’événement est plutôt bien accepté par la communauté scientifique, leur datation exacte et la façon dont ils se sont opérés restent mal contraintes. Et pour cause : les taux d’oxygène dans les océans du passé sont habituellement étudiés à partir de la composition de certains éléments sensibles à la réaction d’oxydation, piégés dans les roches sédimentaires. Or, ces éléments peuvent être facilement altérés au cours de l’histoire géologique, impliquant potentiellement un biais dans les mesures.
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Une diversification du vivant malgré des taux d’oxygène relativement faibles dans les océans
Pour contourner ce problème, une équipe de chercheurs a développé une autre méthodologie, basée sur la datation d’un minéral, la dolomite, en utilisant la technique de datation radiométrique uranium-plomb (U-Pb). La dolomite est obtenue par altération de sédiments carbonatés par l’eau de mer. Lors de sa formation, la dolomite enregistre, en quelque sorte, le signal chimique de l’eau, et notamment son ratio 207Pb/206Pb. Or, 207Pb est le produit de la désintégration de 235U, et 206Pb est le produit de la désintégration de 238U. La mesure des rapports 207Pb/235U et 206Pb/238U permet ainsi de dater la formation de la dolomite. Il s’avère également que 238U/206Pb est sensible aux conditions d’oxydo-réduction du milieu lors de la phase de dépôt des carbonates.
Grâce à cette approche, les scientifiques ont pu mettre en évidence qu’une phase majeure d’oxygénation s’est produite dans les océans il y a (seulement) 400 millions d’années environ. Cette évolution pourrait être liée à l’expansion des plantes vasculaires durant le Dévonien. Ces nouveaux résultats, publiés dans la revue Nature communications, appuient l’hypothèse que les taux d’oxygène sont restés très bas dans les océans pendant plusieurs centaines de millions d’années après l’apparition de la vie et bien après les grandes phases de diversification du Cambrien et de l’Ordovicien. Des observations particulièrement intéressantes pour la recherche de vie sur des exoplanètes, car elles suggèrent que des taux faibles d’oxygène ne sont pas un frein au développement d’une vie complexe.
La quantité d’oxygène sur Terre aurait longtemps stagné à des taux très bas
Article de Morgane Gillard, publié le 6 février 2022
La quantité d’oxygène dans l’atmosphère aurait longtemps stagné à des taux particulièrement bas, impactant le développement de la biosphère. De nouveaux résultats qui pourraient entraîner une révision des stratégies de recherche de la vie sur les exoplanètes.
La vie terrestre est intimement liée à l’oxygène présent dans l’atmosphère et les océans. Or, si aujourd’hui notre Planète a la particularité de compter 21 % d’oxygène dans son atmosphère, ceci n’a pas toujours été le cas. Loin de là !
Si l’on regarde l’histoire de la Terre, on se rend compte que ce fort taux d’oxygène est relativement récent, et que la grande majorité de cette histoire est dominée par des conditions plutôt anoxiques, c’est-à-dire avec très peu d’oxygène. Si la vie était déjà présente durant ces stades antérieurs, ce faible taux d’oxygène semble pourtant avoir été un facteur hautement limitant dans le développement de la biosphère, et ce durant plusieurs milliards d’années.
À quel moment les taux d’oxygène sur Terre ont-ils donc atteint un niveau suffisant pour permettre l’expansion et la complexification des organismes vivants ? Voilà l’une des questions à laquelle des chercheurs de l’Université de McGill (Canada) ont tenté de répondre.
Il y a 1 milliard d’années, le taux d’oxygène était à 1 % de l’actuel
Pour contraindre ce point, les chercheurs ont analysé des échantillons de roches sédimentaires très anciennes (d’âge Protérozoïque), riches en fer, provenant de divers endroits autour du globe. Ces roches sont les témoins des conditions environnementales ayant régné dans un milieu marin peu profond, de type côtier, il y a 1 à 2 milliards d’années. L’analyse chimique du fer oxydé contenu dans ces roches a permis aux scientifiques d’estimer la quantité d’oxygène présente dans ce milieu lorsque ces roches se sont formées. Les résultats montrent que les taux étaient terriblement bas à cette époque et représentaient moins de 1 % des taux actuels pour le même type d’environnement.
L’étude montre également que l’augmentation des taux d’oxygène dans l’atmosphère s’est faite par paliers, et que ceux-ci sont corrélés avec les différentes grandes étapes de l’évolution et de l’expansion des écosystèmes terrestres. Cependant, ces conditions avec peu d’oxygène auraient persisté de façon stable sur près d’un milliard d’années, avant que la quantité d’O2 ne commence à grimper rapidement, il y a 750-900 millions d’années. Cette transition corrèle étroitement avec l’apparition d’organismes beaucoup plus complexes. Si la vie était donc bel et bien présente avant l’augmentation des taux d’oxygène, ces conditions environnementales ont certainement freiné son développement et son expansion sur une longue période.
Rechercher l’ozone plutôt que l’oxygène comme traceur biologique sur les exoplanètes
Ces résultats, à paraître dans la revue PNAS, ont d’importantes implications pour l’exploration de la vie sur d’autres planètes. La recherche de traces d’oxygène dans les atmosphères des exoplanètes est actuellement l’une des façons d’envisager la présence de vie extraterrestre, passée ou présente. L’oxygène est en effet considéré comme une biosignature. Sauf que les résultats de l’étude montrent que les atmosphères des planètes telluriques pourraient se stabiliser, à l’image de la Terre, à des taux relativement bas d’oxygène. Or, il est difficile de détecter des taux si faibles. Les auteurs proposent donc que la meilleure chance de détecter de l’oxygène dans l’atmosphère d’une exoplanète soit de rechercher son sous-produit, l’ozone.
L’ozone est en effet plus facilement détectable, même en faible quantité, grâce à sa capacité à absorber les ultraviolets. Un procédé qui permettrait, peut-être, d’augmenter nos chances de trouver des signes de vie sur d’autres planètes, en dehors du Système solaire.
La Terre était riche en oxygène il y a deux milliards d’années
À cette époque, les chercheurs pensaient que les niveaux d’oxygène sur Terre diminuaient. Mais des preuves trouvées dans une carotte de forage laissent croire le contraire. Il y a deux milliards d’années, notre Planète était riche en oxygène.
Il y a deux milliards d’années, la Terre était beaucoup plus riche en oxygène que le pensaient les scientifiques. De quoi ouvrir la voie à l’évolution de formes de vie complexes. C’est la conclusion d’une étude menée par des chercheurs de l’université de l’Alberta (Canada) sur une carotte de forage russe.
Les chercheurs ont analysé la carotte contenant de la shungite, une roche sédimentaire riche en carbone déposée à une époque où les niveaux d’oxygène sur notre Planète diminuaient rapidement. Du moins selon les modèles de cycles du carbone et de l’oxygène établis. Après ce que les paléontologues appellent l’événement Lomagundi-Jatuli qui s’est produit entre il y a 2.220 et 2.060 millions d’années.
Des conditions favorables à la vie
« Ce que nous avons trouvé contredit l’opinion qui prévaut », commente Kaarel Mänd, doctorant, dans le communiqué. Le matériau qu’il a analysé présente en effet des niveaux sans égal — avec d’autres de la Terre primitive — de molybdène, d’uranium et de rhénium notamment. Or ces métaux ne sont considérés comme courants dans les océans et les sédiments que lorsque l’oxygène, lui-même, est abondant dans les océans de la Terre.
Cette découverte offre également un aperçu de l’évolution de formes de vie complexe sur notre Planète. Les eucaryotes, en effet — considérés comme les précurseurs de toute vie complexe –, ont besoin d’un niveau élevé d’oxygène pour prospérer. Et cette étude renforce l’idée que des conditions favorables à leur évolution ont pu apparaître sur Terre beaucoup plus tôt que ne le pensaient les chercheurs.
Il y a deux milliards d’années, l’oxygène atmosphérique s’écroulait !
Non seulement il y a avait déjà de l’oxygène dans l’atmosphère de la Terre il y a 2,8 milliards d’années mais la teneur en O2 a fluctué de façon non négligeable avant l’explosion cambrienne. Ces résultats surprenants viennent d’une équipe de géochimistes ayant étudié des isotopes du chrome piégés dans des roches déposées dans les océans pendant l‘archéen.
La réalité est toujours plus complexe que ne l’imaginent les faibles capacités du cerveau de l’Homo Sapiens. C’est une règle que l’histoire des sciences ne cesse de vérifier… On en a un nouvel exemple avec la publication dans Nature d’un article traitant des variations du taux de l’oxygène dans l’atmosphère de la planète pendant la période connue sous le nom d’archéen.
Jusqu’à maintenant, on pensait que ce taux d’oxygène n’avait commencé à croître que pendant une période s’étendant entre -2,45 et -2,2 milliards d’années environ. Ce n’est qu’à ce moment que des organismes photosynthétiques, comme ceux à l’origine des stromatolithes, seraient devenus suffisamment nombreux pour libérer de grandes quantités d’oxygène dans les océans. On en a des preuves avec les célèbres gisements de fer rubanés (en anglais, banded iron formation, abrégé en BIF) qui se sont déposés à cette période.
En effet, l’océan mondial contenait alors beaucoup de fer en solution et celui-ci a naturellement réagi avec l’oxygène massivement dégagé pour ensuite précipiter. A cette époque, les plages avaient donc la couleur de la rouille. Les spécialistes en géosciences ont désigné cet événement par le terme de Grande Oxydation, ou encore de crise de l’oxygène car pour beaucoup d’organismes vivants de l’époque, une telle quantité d’oxygène était toxique.
Comme le fer n’a rapidement plus été en mesure de capturer l’oxygène dégagé, celui-ci a commencé à dégazer dans l’atmosphère à partir de l’océan saturé. Le taux d’oxygène de l’atmosphère serait ensuite resté relativement constant jusqu’à un deuxième événement survenu il y a entre -800 et -542 millions d’années. L’atmosphère s’est alors brutalement enrichie en oxygène et, étrangement, c’est vers la fin de cette période que se produit la fameuse explosion cambrienne.
Avant la crise de l’oxygène, l’atmosphère recélait bien un peu d’O2 mais il provenait de réactions chimiques liées à la photodissociation des molécules d’eau atmosphérique sous l’action du rayonnement solaire. La quantité était infinitésimale et comme les stromatolithes n’étaient apparues que peu de temps avant la Grande Oxydation, il n’y avait pas de sources pour produire plus tôt de grandes quantités d’oxygène. C’est du moins ce que l’on croyait…
Des fluctuations étonnantes
Afin de suivre plus précisément l’évolution du taux d’oxygène dans l’atmosphère, une équipe internationale de géochimiste s’est concentrée sur les isotopes du chrome piégés dans les sédiments riches en fer. La quantité de ces isotopes dans l’eau de mer dépend du taux d’altération et d’érosion des roches continentales par les eaux de pluies, lequel à son tour est relié au taux d’oxygène dans l’atmosphère. L’étude des variations fines du taux d’isotopes piégés semble un bon indicateur des variations du taux de l’oxygène atmosphérique et, comme les chercheurs l’expliquent dans Nature, les résultats ont été de quoi étonner.
Première surprise, le taux d’O2 a commencé à augmenter plus tôt qu’on ne l’imaginait, il y -2,8 milliards d’années. Ensuite, après la crise de l’oxygène, le taux de ce gaz a chuté !
Selon Simon Poulton de l’université de Newcastle, l’un des auteurs de l’article de Nature, l’augmentation du taux de l’oxygène de l’atmosphère il y a -2,8 milliards d’années montre une situation très instable avec des fluctuations et de brefs épisodes d’apparition d’oxygène libre dans l’atmosphère avant cette chute. En revanche, les données soutiennent à nouveau fortement que l’explosion cambrienne est bien concomitante d’une brusque élévation du taux de l’oxygène dans l’atmosphère de la Terre.
Par Futura Sciences
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