Organisation

De l’importance stratégique des données pour les entreprises à leur indispensable qualité

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Alors que les données s’imposent comme un atout stratégique pour les entreprises, leur exploitation soulève de nombreux défis.

Les données (ou, plus génétiquement, « la » donnée) sont aujourd’hui un atout stratégique indéniable pour piloter et développer les activités d’une organisation. L’émergence de solutions d’analyse avancée, telles que les modèles de langage et les outils associés comme Copilot de Microsoft, et leur accessibilité accrue, stimulent l’intérêt des entreprises. Elles les incitent à développer davantage l’exploitation de leurs « datas », ce qui va jusqu’à influencer leur mode de fonctionnement et leur organisation.

Si la donnée occupe une place centrale dans les discours, il est important de questionner les avantages concrets que les entreprises en retirent aujourd’hui. Quels sont les bénéfices réels et tangibles générés par son exploitation ? Quelles devraient être les limites de cette exploitation, notamment compte tenu de l’importance de la qualité de la donnée ?

Longtemps présentées comme un nouvel or noir et une solution miracle pour les entreprises, les données, leur gestion et leur exploitation ont mis du temps à s’intégrer pleinement au sein des organisations. Autrefois reléguées aux services informatiques ou techniques, les données sont aujourd’hui en train d’être réappropriées par les métiers.

D’après une étude récente, 49 % des entreprises considèrent la gestion des données comme un atout stratégique business, en progression ces dernières années (« Data & AI Leadership executive survey », Wavestone, 2024). Cette tendance souligne l’importance croissante des données pour la prise de décision et le succès des entreprises. En outre, 48 % des entreprises affirment avoir mis en place une approche « data-driven » — deux fois plus qu’en 2023.

Les données, vecteur d’optimisation des process internes

Pour autant, les données sont un réel vecteur d’optimisation et d’innovation. Si elles sont souvent associées à l’amélioration de la compréhension client et du ciblage marketing, une collecte optimisée et une analyse fine de ces « datas » peuvent également améliorer les processus internes de gestion des activités d’une entreprise.

En effet, les données constituent la source indispensable à l’entraînement et à l’utilisation de modèles d’IA. D’après le rapport IBM’s Global AI adoption Index, 35 % des organisations utilisaient déjà l’IA dans leurs activités en 2022. Ce pourcentage a probablement augmenté depuis, grâce à l’accès et à l’utilisation facilités des modèles de langage (LLM), comme ChatGPT.

Prenons l’exemple de Décathlon. L’entreprise utilise l’IA pour gérer les flux de commande et de stock entre ses services de vente en ligne et en magasin, notamment pour son service « Click-and-Collect ». Depuis la crise du COVID-19, les commandes en ligne avec ce type de service ont en effet explosé. Décathlon a donc dû adapter la gestion de ses stocks, et trouver (grâce à l’IA) un équilibre entre la préparation des commandes et la gestion du personnel.

Par ailleurs, Décathlon investit depuis de nombreuses années dans l’optimisation de sa chaîne logistique. L’un des volets importants de cette stratégie est l’équipement de l’ensemble de ses produits avec des puces RFID. Cette technologie permet de suivre les produits en temps réel, et ainsi d’améliorer la gestion des stocks.

La qualité des données, un enjeu majeur

Cette optimisation n’est pas uniquement pilotée par les données. L’expertise humaine et technique continue, et doit continuer d’être, un atout majeur pour développer l’avantage compétitif des entreprises. En effet, toutes les données collectées ne sont pas propres à être consommées et digérées de manière systématique. Une étape de tri et de nettoyage est indispensable, afin d’uniformiser l’ensemble et de converger vers des standards prédéfinis (« Time-Series forecast at scale : data, modeling and monitoring approaches », Vianney Bruned, Decathlon Digital, 2022).

La qualité des données impacte directement la qualité et la pertinence des analyses, et donc des décisions qui en découlent. Ce sont d’ailleurs les expertises thématique et technique de l’entreprise qui permettent un réel tri (ou nettoyage) des données. Une exploration approfondie donne ainsi un panorama des échantillons collectés et du profilage de distribution. Cette étape permet également d’affiner la stratégie, ainsi que les outils de collecte de ces dernières, ou encore d’identifier les biais de collecte qui pèseront de manière notable lors de l’analyse.

Quel que soit l’outillage analytique utilisé (de la Business Intelligence, à l’utilisation de modèles IA simples ou avancés), la qualité des données est cruciale pour développer la confiance en celles-ci. De fait, de l’analyste aux décideurs, la manipulation de données de mauvaise qualité fait perdre un temps conséquent à chacun, augmentant les allers-retours entre les phases de nettoyage, de tri, et d’analyse, et bien évidemment les erreurs d’interprétation, d’autant plus si les données sont agrégées. Globalement une érosion de confiance se met en place et un décalage se crée entre les promesses initiales d’optimisation et la cruelle réalité.

Pour qu’une entreprise devienne réellement « data-driven », la qualité des données est un élément fondamental. Sans elle, impossible de prendre des décisions fiables et éclairées à tous les niveaux : opérationnel, tactique et exécutif. De plus, dans un écosystème où les entreprises interagissent avec de multiples acteurs, des données de qualité permettent de faciliter les interactions et l’interopérabilité des systèmes d’information. Cela inclut notamment les échanges avec les fournisseurs.

Par exemple, Décathlon gère les données entrantes à différents niveaux en fonction de leur niveau de nettoyage, d’agrégation et de criticité. Des indicateurs de qualité permettent de suivre l’évolution de la qualité des données et de fournir aux producteurs de données (certains services internes par exemple) des pistes d’amélioration.

Des profils nécessaires certes, mais un coût financier non négligeable de la gestion des données

Au-delà du coût important associé aux profils data, du développement des compétences, et de l’outillage nécessaire, le stockage des données, souvent en ligne, a un coût financier souvent négligé. Avec l’explosion du volume de données dans tous les secteurs d’activité, les coûts liés à la gestion de ces données ont également connu une croissance exponentielle. Par exemple, fin 2022, la plateforme Google Cloud Platform, fournisseur de services cloud, a fait évoluer sa tarification — appliquant notamment une augmentation de 50 % sur son service de stockage de données.

C’est ce qui a poussé l’entreprise Maisons du Monde à lancer une initiative de diagnostic et d’optimisation de ces coûts d’usages du cloud. Avec 30 % de son chiffre d’affaires provenant du digital, le volume de données stockées et collectées est en constante progression.

De plus, plusieurs centaines d’utilisateurs métiers y accèdent tous les mois pour réaliser des analyses. Le diagnostic a ainsi permis :

  • d’identifier les données pouvant être archivées et compressées ;
  • d’optimiser les requêtes métiers effectuées au quotidien sur les bases de données ;
  • d’adapter l’utilisation des serveurs aux horaires de travail des collaborateurs.

L’approche data-driven, ou une approche data à l’échelle de l’organisation

L’adoption d’une approche orientée données est facilement observable dans les différentes divisions ou départements d’une entreprise (marketing et vente, production, RH, etc.). On constate une réelle appropriation de cette approche pour les enjeux métiers pris individuellement. Cependant, pour que cette maturité profite à l’ensemble de l’organisation, il est nécessaire de la développer à une plus grande échelle.

L’approche data à l’échelle globale des organisations (une organisation data-driven), bien qu’en plein essor, n’est pas encore une pratique généralisée. De nombreux défis subsistent, freinant son adoption.

Pour relever ces défis et exploiter pleinement le potentiel de la donnée, plusieurs éléments clés sont à mettre en place :

  • une définition claire de vos objectifs opérationnels et stratégiques (Que doit-on optimiser ? Sur quels aspects faut-il que le service ou l’entreprise se concentre ?) ;
  • une expertise interne métiers sur laquelle s’appuyer pour identifier les données les plus pertinentes et garantir la qualité du nettoyage ;
  • un outillage adapté permettant de manipuler et d’exploiter cette matière et d’en tirer de réels bénéfices opérationnels et stratégiques dans la prise de décision ;
  • une véritable culture de la donnée, pour renforcer la compréhension de cette nouvelle orientation, et ainsi gagner en qualité des données et en efficience.

Sur ce dernier point, l’absence d’une culture data constitue en effet l’un des principaux freins à l’exploitation efficace des données. La généralisation d’une culture data en interne est une partie importante de la transformation numérique des entreprises. Ce sujet sera exploré en détail dans une prochaine chronique.

Par Benoit Loeillet

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