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La santé mondiale sacrifiée sur l’autel des énergies fossiles à la COP28 ?

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Contrairement à ce que cherche à faire croire Sultan al-Jaber, le président de la COP28 et prince du pétrole, sortir des énergies fossiles ne ramènera pas le monde au temps des cavernes. Éliminer charbon, gaz fossile et pétrole, améliorera au contraire les conditions de vie et la santé de toute l’humanité. La question, d’ailleurs, sera, pour la première fois, débattue lors que cette COP qui vient de s’ouvrir à Dubaï.

Les climatosceptiques de tous bords et… Sultan al-Jaber, le président de la COP28, voudraient nous faire croire que le danger viendrait de sortir des énergies fossiles. Ils veulent ainsi activer le levier de la peur pour retarder l’action climatique en prétendant que cela « ramènerait notre société à l’âge des cavernes ». Pourtant, les scientifiques sont formels, une diminution de notre dépendance aux combustibles fossiles nous mènera au contraire sur la voie d’une société plus agréable et dans laquelle l’humanité pourra vivre en meilleure santé.

L’atténuation du réchauffement climatique – nous avons évoqué la question ici – et notre adaptation – nous en avons discuté là – sont des thèmes récurrents des COP. Mais jusqu’ici, la question de notre santé n’a jamais été abordée lors d’une Conférence des parties signataires de la Convention-Cadre de l’Organisation des Nations unies sur les changements climatiques. Alors même que les effets du changement climatique se font désormais lourdement ressentir dans ce domaine. En Europe, pas moins de 70 000 décès ont été causés par la chaleur pendant l’été 2022. Et la revue médicale Lancet avançait récemment que si notre monde devait se réchauffer de 2 °C au-dessus de la moyenne préindustrielle, le nombre de décès annuels dus à la chaleur serait multiplié par près de cinq !

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Et ce n’est pas tout, car avec le changement climatique, d’autres menaces pèsent sur notre santé. Celles portées par la pollution de l’air, les incendies, les inondations, les maladies infectieuses ou vectorielles, l’insécurité alimentaire, le stress.

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Alors que la prise de conscience se fait, la COP28 aura au moins cet intérêt de poser la question sur la table. Elle s’ouvrira dans quelques jours à Dubaï et une journée entière sera consacrée au thème majeur du réchauffement climatique et de ses impacts sur la santé. Une « déclaration sur la santé et le climat » qui doit d’ailleurs y être publiée. Et le projet, dont certains éléments ont déjà été diffusés, a fait bondir les professionnels du secteur. Plus exactement, ce n’est pas ce que contient la publication préliminaire qui fait réagir. Mais ce qu’elle ne contient pas. Explications.

Pas de bonne santé sans bannissement des énergies fossiles

La déclaration sur la santé et le climat met en avant trois domaines d’action qu’elle qualifie de « clés ». Elle souligne premièrement, la nécessité pour les systèmes de santé — aujourd’hui assez fortement émetteurs de gaz à effet de serre — d’un changement transformationnel afin de devenir résilients au climat, durables et équitables avec de faibles émissions de carbone. La déclaration appelle deuxièmement à augmenter non seulement le montant global du financement climatique, mais également la part consacrée à la santé publique. Aujourd’hui, seulement 2 % du financement de l’adaptation et 0,5 % du financement multilatéral pour le climat lui sont consacrés. La déclaration estime troisièmement nécessaire de briser les cloisonnements entre la santé et les autres secteurs de la réponse climatique et d’intégrer la santé dans les politiques climatiques.

Ces engagements sont évidemment jugés « bienvenus » par les professionnels de la santé. Mais ils oublient une problématique essentielle : celle des combustibles fossiles ! Les scientifiques rappellent en effet que l’atténuation est d’une importance cruciale en matière de limitation des effets du réchauffement climatique sur la santé humaine. Or, les énergies fossiles sont les principales responsables du changement climatique en cours. « Il faut impérativement les éliminer de notre quotidien », estiment les professionnels de la santé. Ils sont d’ailleurs quelque 46 millions à avoir signé un courrier adressé au Sultan Al Jaber, le président de la COP28. Objectif : lui demander de veiller à ce que les négociations aboutissent à une « accélération de la suppression des combustibles fossiles, décisive pour la santé ».

La COP28 pour mettre en avant les bénéfices de l’action climatique pour la santé humaine

D’autant que, dans ce domaine en particulier, l’idée de réduire les émissions des combustibles fossiles ne suffit clairement pas. Car les systèmes de captage et de stockage du dioxyde de carbone (CO2) n’éliminent pas le reste des polluants émis lors de la combustion. Aujourd’hui, la pollution de l’air est responsable de 7 millions de décès prématurés par an dans le monde. En Europe, 200 000 décès sont attribuables chaque année aux substances directement toxiques pour les humains émises par la combustion des énergies fossiles. Ailleurs, les maladies transmises par les moustiques commencent à saturer les hôpitaux. Et les plus de 750 millions de personnes auxquelles les énergies fossiles n’ont pas pu apporter de solution jusqu’ici dans leur quotidien, pourraient bénéficier de sources plus efficaces et plus rentables grâce aux énergies renouvelables.

À l’occasion de la semaine sur le climat et la santé qui s’est tenue à Berlin en juin dernier, les scientifiques ont aussi rappelé que, repenser au regard des contraintes climatiques, non seulement le secteur de l’énergie, mais aussi ceux des transports, de l’aménagement urbain et de l’agriculture, notamment, permettrait de récolter des cobénéfices pour la santé. Les régimes alimentaires riches en viande et en graisses saturées, par exemple, produisent généralement davantage de déchets animaux et agricoles, ce qui signifie également davantage d’émissions de méthane (CH4), un puissant gaz à effet de serre. Ils ne sont pas non plus les meilleurs pour la santé. Autre exemple dans le secteur des transports. La mobilité douce, bonne pour le climat, rend les populations plus actives et fait baisser l’occurrence de certains troubles comme le diabète et le surpoids. Le docteur Victor Dzau, président de l’Académie nationale de médecine des États-Unis, souligne ainsi que « si nous faisons les choses correctement, nous obtenons une meilleure santé ainsi que des émissions de carbone bien inférieures ». Simon Steill, le secrétaire exécutif de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur le changement climatique, veut même généraliser un peu plus l’idée : « Un résultat solide à la COP 28 soutiendra à la fois l’action climatique et le programme de développement durable. »

Vers un nouveau constat d’échec pour cette COP28 ?

Malheureusement, ils sont peu nombreux à croire en un « résultat solide à la COP28 »« Je n’en attends pas grand-chose en réalité », nous confie Alexis Normand, cofondateur de Greenly, un spécialiste du bilan carbone« Des choses positives en ressortiront certainement. Mais pour réellement avancer, il faudrait que le public s’aligne enfin sur le privé. Les entreprises, par exemple, réalisent un vrai travail de transparence concernant leurs émissions. Elles mettent en place des structures de project management permanentes qui n’existent pas au niveau des États et qui leur permettent d’avancer sur la voie de la décarbonation. C’est exactement ce qu’il nous faudrait au niveau mondial. Une instance comme celle que Kim Stanley Robinson imagine dans « The Ministry for the Future ». Une instance chargée de contrôler l’application de l’accord de Paris et de trouver et de mettre en place des solutions. Avec une cour de justice internationale qui pourrait attaquer les États pour leur inaction climatique. Bref, il manque un pilote dans l’avion. »

“Il manque un pilote dans l’avion”

Pourtant, le CEO de Greenly assure que nous pouvons garder espoir. « Lorsque le président Donald Trump a annoncé que les États-Unis se retiraient de l’Accord de Paris, une cinquantaine de villes américaines ont réagi et ont finalement fait peut-être plus de choses que n’en aurait fait l’État fédéral. Une preuve que même le constat d’échec peut avoir du bon. Nous le voyons très concrètement. Pendant les COP, la prise de conscience se fait et les entreprises se mobilisent toujours plus. »

Sur X, François Gemenne, politologue et membre du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), partage aussi quelques réflexions positives. « L’organisation d’une COP dans un pays écolo n’est pas un gage de réussite. Souvenons-nous du fiasco de la COP15 à Copenhague. Et ce n’est pas la présidence qui décide du résultat d’une COP, mais bien les participants. Or les Émirats arabes unis ont accordé un visa gratuit à tous les participants de cette COP28. »

Et il est par ailleurs intéressant de souligner que les COP sont l’un des rares moments où les pays en développement bénéficient d’une certaine audience. Forts de la pression mise par les OGN et les citoyens, ils sont plus à même d’y négocier — et obtiennent parfois — des financements, aussi bien pour l’atténuation que pour l’adaptation qu’à n’importe quel autre moment. De leur point de vue, les COP demeurent sans doute indispensables.

Ainsi, si certains appellent à boycotter le rendez-vous, pour François Gemenne, l’idée semble contre-productive. Un brin « idiote »« Elle ne fait pas avancer les choses concrètement. Ne laissons pas le champ libre aux lobbyistes », conclut-il.

Al Gore aussi reste résolument optimiste. « Ne nous laissons pas aller au désespoir. Nous allons y arriver. Et la prochaine fois que vous douterez que les humains aient la volonté d’agir, rappelez-vous que la volonté d’agir elle-même est une ressource renouvelable ! »

 

admin
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