Leadership

Peut-on former les managers à ce qui ne peut s’apprendre ?

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Peu de managers ont les qualités de leadership nécessaires pour faire face aux situations complexes.

Un proverbe chinois dit : « une armée de mille soldats est facile à constituer mais rien n’est plus difficile à trouver qu’un général pour la diriger ! » Savoir analyser une situation, anticiper les conséquences d’une prise de position, prendre une décision au bon moment avec l’adhésion de ceux qui doivent l’appliquer, sont autant d’activités qui peuvent générer de l’anxiété chez les cadres mal à l’aise dans leur fonction de manager. D’autant plus que les entreprises passent par des phases de stabilité dans lesquelles un management gestionnaire peut sembler adapté et des phases de tension, de crise ou de mutation qui nécessitent un management offensif, capable de saisir les opportunités qui se présentent ou d’éviter de subir les situations qui se dégradent. Pour constituer des équipes efficaces de managers, une double question se pose aux entreprises :

– Tous les cadres peuvent-ils gérer des collaborateurs ?

– Peut-on faire d’un manager de temps de paix un manager de temps de guerre ?

Un leader né

Un manager n’est pas nécessairement un leader mais s’il ne possède pas des qualités de leadership, il ne pourra pas être un bon manager lorsqu’une situation critique l’exigera. Le management nécessite des techniques qui peuvent s’apprendre mais ce qui ancre véritablement la crédibilité d’un manager, c’est sa manière d’être avec ses collaborateurs et ses interlocuteurs internes et externes. Or ce savoir-être s’apprend difficilement. Pire, les formations dans le domaine produisent parfois des effets opposés à ceux recherchés. Le cas classique étant celui du manager manquant d’autorité qui, après avoir suivi une formation dédiée à ce sujet, fait preuve d’autorité mal dosée, voire d’autoritarisme.

Selon une enquête réalisée par OpinionWay en 2017, seuls 32% de managers auraient un profil de leader. Cette catégorie regroupe 17% de leaders « aguerris » dont l’expérience a renforcé les qualités innées, tandis que 15% sont des leaders « en herbe » dont le potentiel de leadership se révèle sur le terrain. Les témoignages de DRH ainsi que plusieurs sondages révèlent que les collaborateurs sont très sensibles à l’ambiance de travail mais que, face aux difficultés, ils plébiscitent largement les managers qui ont du charisme pour galvaniser leur équipe, une aptitude à poser des cadres de référence et qui assument leurs décisions tout en sachant les expliquer.

Aussi faut-il admettre que, dans un environnement qui se complexifie et qui évolue très rapidement, certains managers ont des qualités innées qui leur permettent d’exercer leur rôle d’une manière naturelle, alors que d’autres sont obligés d’endosser les habits de la fonction en forçant leur nature. En période calme, cela peut passer, mais en période de grand vent, les habits de la fonction craquent. Chercher à former des managers au leadership alors qu’ils n’ont pas les qualités de base donnera, dans la majorité des cas, des résultats décevants. Il nous paraît donc essentiel dans le processus de recrutement ou de promotion des managers, de faire de ces qualités de leadership un critère décisif de sélection.

Un décideur rare

Décider est l’acte qui engage le plus un manager et qui est le plus symbolique de sa fonction. Or force est de constater que cela rend beaucoup de managers mal à l’aise, quand ils ne sont tout simplement pas ignorants en la matière… Une récente enquête réalisée par Ifop-MPI Executive montre que plus l’entreprise est grande, moins les managers savent prendre des décisions. En effet, 54% des salariés de grands groupes jugent que leurs managers « ne sont pas choisis pour leur aptitude à décider ». Elle précise également que seulement 37% des collaborateurs de TPE estiment que leur supérieur « sait tout à fait prendre des décisions », et ce chiffre tombe à 33% dans les PME et à 25% dans les grands groupes, soit quasiment le même résultat que dans la fonction publique.

Notons qu’un manager qui a du mal à décider a tendance à multiplier les études, les analyses afin de choisir plutôt que de décider. Or un choix est par nature un acte rationnel de tous les jours qui s’appuie sur une comparaison, tandis qu’une décision – comme l’indique la littérature en psychologie cognitive – nécessite une grande part d’intuition et de propension au risque. En outre, ce ne sont pas les choix au quotidien qui constituent les tournants visionnaires que prend une entreprise à travers un leader clé, ce sont ses décisions. Pour un manager véritablement leader, la décision est un acte qui demande des qualités naturelles, notamment du caractère, souvent du courage et cela ne s’apprend guère. Parfois, cela peut se compenser mais avec des conséquences sur la fluidité des décisions et sur la manière dont les acteurs concernés les vivent.

Une expérience indispensable

Pour révéler ses capacités de leadership, un manager a besoin de suffisamment d’espace pour exercer ses responsabilités et d’un droit à l’erreur. C’est dans ce cadre qu’il apprend à différencier l’essentiel de l’accessoire, à rester ferme sur ce qui n’est pas négociable et à trouver les compromis nécessaires sur le reste. L’obstacle souvent ressenti par les managers à leur épanouissement est la contradiction de bon nombre d’entreprises à vouloir les pousser à prendre leurs responsabilités, à faire preuve de créativité, et cela, alors que l’organisation de la société est bureaucratique, que les processus sont centralisés, générant un management contraint, loin des solutions optimisées espérées. La formalisation, l’excès de procédures, le reporting surchargent les managers d’une activité à faible valeur ajoutée.

En transférant une partie du contrôle ex ante en contrôle post ante, le bénéfice sera double : un gain de temps pour que les managers se recentrent sur leurs priorités et une responsabilisation qui renforcera leur capacité à gérer les situations compliquées. Tout le monde peut occuper, plus ou moins bien, une fonction de management par temps calme, mais peu de managers ont les qualités de leadership et de décideur pour faire face aux situations complexes ou imprévues des temps agités, qui sont toujours des périodes décisives. La formation, qu’elle soit universitaire ou professionnelle, est essentielle, mais il est vain d’essayer de fabriquer des managers s’ils n’ont pas les qualités innées que cette fonction exige et il est incohérent d’exiger d’eux plus d’initiative et d’autonomie si le fonctionnement de l’entreprise ne leur permet pas à la fois de poser des cadres de référence et de bénéficier de l’espace nécessaire à la mise en œuvre de leurs qualités.

ParAnne-Laure Boncori,Jean-Claude Sac

 

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