Ces dernières années, la transparence est devenue un mot à la mode dans les entreprises, pour leurs directeurs des ressources humaines ou leurs consultants. Être transparent et honnête vis-à-vis de ses collaborateurs et des consommateurs est à l’ordre du jour. Cependant, cet affichage de transparence et de vérité à l’ère des social media peut souvent cacher le souci de l’apparence et même le mensonge.
Cette tendance vient sans doute du souhait des entreprises d’améliorer toujours davantage la relation corporate avec ces deux cibles mais surtout, au moment où les médias sociaux sont omniprésents, la transparence s’impose de façon quasi incontournable. Il est en effet devenu presque impossible aujourd’hui de contrôler l’information et de garder certaines choses confidentielles.
Pour les marques, être transparent et honnête a des avantages
Une étude, réalisée en 2013 auprès de 40 000 collaborateurs, montrait que la transparence managériale est le facteur-clé pour déterminer le niveau de satisfaction d’un collaborateur vis-à-vis de son supérieur hiérarchique. Et il est clair que des femmes et des hommes heureux sont plus productifs, créatifs et engagés. Même s’il y a certainement des différences culturelles importantes, l’Association Psychologique Américaine démontre qu’environ un tiers des employés aux Etats-Unis regrettent que leur employeur ne soit pas toujours « honnête et vrai » avec eux.
Le consommateur, lui aussi, remerciera une marque qui se montrera honnête et transparente avec lui. Une expérience lancée par McDonald’s au Canada via le programme « Nos aliments. Vos questions » consistait à répondre franchement à des questions posées par les clients. Elle a suscité plus de 20 000 demandes du type « Est-ce que vous faites vos frites avec de vraies pommes de terres ? » ou « Est-ce vraiment un œuf dans votre Egg McMuffin ? ». Résultat : la confiance des consommateurs envers la marque a augmenté de 60%.
Plus encore, la transparence n’est désormais plus une option mais une nécessité sans laquelle plus rien ne va. En effet, dans leur livre au titre révélateur « La confiance absolue, l’honnêteté comme avantage compétitif », les auteurs Don Peppers et Martha Rogers l’affirment en prenant l’exemple d’iTunes qui a pris le parti d’alerter le consommateur quand celui-ci s’apprête à acheter un titre pour la deuxième fois. En procédant avec honnêté et en l’empêchant de faire cette erreur, la marque a pour objectif de gagner sa confiance, sa fidélité, son amour même.
Mais attention, la transparence et la vérité peuvent juste n’être qu’une apparence
Un article du Pr. Ethan Bernstein de la Harvard Business School montre que trop de transparence peut effectivement diminuer la productivité. Car, à force de trop vouloir créer de la transparence partout dans l’entreprise, le management a dû faire face à des employés qui, plutôt que la transparence, ont joué l’apparence. En effet, habituellement, ces collaborateurs faisaient preuve de créativité en appliquant certaines « astuces » pour améliorer et accélérer certaines procédures mais dès lors qu’il s’est agi pour eux d’être transparents, ils ont préféré jouer selon les règles officielles, diminuant in fine le résultat. Des innovations et améliorations de qualité sont donc restées dans l’ombre.
Grâce aux médias sociaux, il est même devenu possible de créer la vérité. Sur Wikipédia, par exemple, tout ce qui est écrit n’est pas forcément vrai. En effet, l’utilisation de la plus grande encyclopédie en ligne par des agences de relations publiques pour améliorer ou corriger l’image de leur clients est devenu un tel fléau que les grands noms des RP, comme Ogilvy et Mather, ont récemment signé une déclaration promettant de ne plus tricher sur ce média social, pour se démarquer de milliers de petites agences spécialisées sur ce type de service. Leur objectif est certainement de protéger leur capital marque et d’éviter d’être considérés comme des menteurs. Parfois pourtant, ces contre-vérités peuvent devenir authentiques à l’instar du surnom « Milville Meteor » faussement lié au joueur de base-ball Mike Trout sur la page correspondante de Wikipédia. En effet, un journaliste, s’inspirant de la page, a utilisé ce surnom dans l’un de ses articles. Celui-ci a été lu par le joueur qui y a découvert son soi-disant surnom avec lequel il a immédiatement commencé à signer des balles pour ses fans. Une fausse information est donc devenue la vérité.
Alors qu’un acte inconscient a peut-être été à l’origine de ce dernier exemple avec un résultat somme toute innocent, les réseaux sociaux sont de plus en plus utilisés pour diffuser des rumeurs clairement malveillantes. A titre d’exemples, on peut citer des allégations telles que « EDF volerait un Euro sur chacune de nos factures » ou « Le fils de Christine Taubira serait un meurtrier ». Des chercheurs ont montré que ce type de rumeurs peut être partagé par plusieurs centaines de milliers de personnes. C’est ainsi que de nombreux crédules, certes un peu naïfs, ont mis leur iPhone au four micro-ondes, ayant vu sur Twitter qu’à l’aide de la fonctionnalité « Wave », on pouvait ainsi recharger son appareil en quelques secondes seulement.
Comment les entreprises peuvent-elles faire face à cette tendance de la « transparence »
En interne, il faut définir une stratégie claire sur le résultat attendu en étant plus transparent. Puis, il est nécessaire de définir des règles précises, soutenues par des formations pour tous les collaborateurs, sur ce qui peut être transparent et ce qui doit rester confidentiel. En effet, la génération Y ne fait plus trop de différences entre vie privée et professionnelle. Elle peut donc inconsciemment communiquer des informations sur Twitter, comme la nomination d’un collègue pour le féliciter, avant même que celle-ci ne soit rendue publique. Dans le même temps, ces règles ne doivent pas être trop contraignantes pour laisser la place à un véritable esprit de partage et éviter des situations comme celles analysées par le Professeur Bernstein (cf. supra).
En externe, il faut surtout être en veille constante sur tout ce qui se dit sur la marque. S’il y a des mensonges qui sont proférés, il faut rapidement réagir en les corrigeant. La diffusion régulière d’informations par l’entreprise elle-même peut également tuer les rumeurs dans l’œuf et créer un sentiment de confiance basique parmi le public. D’autre part, une marque peut tout-à-fait expliquer à des clients raisonnablement intelligents pourquoi il n’est pas toujours possible d’être transparent à très court terme pour, par exemple, éviter qu’un concurrent ne profite trop rapidement d’une information importante. Des raisons légales peuvent aussi être avancées. Les banques, par exemple, doivent être très prudentes vis-à-vis de la transparence pour que cela ne soit pas interprété comme un conseil financier déguisé.
Enfin, la meilleure chose à faire pour être transparent est encore tout simplement de n’avoir rien à cacher. La transparence a son prix. Même si un dysfonctionnement au sein d’une entreprise peut être pardonné à court terme avec des excuses et des promesses d’amélioration, l’entreprise doit absolument lancer des actions correctives à moyen et surtout long terme. La marque qui veut survivre doit travailler comme s’il n’y avait plus de secrets possibles et que toute information était susceptible d’être portée, tôt ou tard, à la connaissance du grand public. Bien sûr, une marque ne peut pas être parfaite. Mais si elle a réussi à tisser une relation de confiance et de transparence avec ses collaborateurs et ses consommateurs, ceux-ci lui pardonneront des imperfections et des erreurs – aussi longtemps qu’elles ne sont pas commises intentionnellement. Car il ne faut pas oublier que, plus on place sa confiance dans une marque, plus la déception et les réactions seront virulentes si l’entreprise essaie délibérément de tromper, tricher et abuser ses clients. Dans ce cas, la relation entre marque et consommateurs / collaborateurs n’est pas vraiment différente d’une relation entre deux individus.
Par Andreas Kaplan
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