Cette méthode de management donne un coup de vieux au célèbre « command and control ».
Pour reprendre une citation de Warren Buffet : « C’est quand la mer se retire qu’on voit ceux qui se baignent nus ». Et c’est dans les périodes de crise que l’on reconnaît le bon leadership. Les entreprises les plus résilientes sont celles où les collaborateurs sont le plus engagés. C’est là que le leadership et la culture d’entreprise deviennent un vrai avantage concurrentiel.
On doit l’appellation Trust & track leadership (soit « faire confiance » et « assurer un suivi ») à Nick Sarillo, un entrepreneur dans la restauration à Chicago, qui a décrit cette méthode par opposition au célèbre « command and control », autrement dit le management autoritaire. Il ne faut surtout pas confondre « Trust & track » et « Trust & hope » (faire confiance et espérer que tout se passe bien). Le point clé de la méthode consiste à instaurer une culture basée sur la confiance, mais aussi un système de monitoring qui permette – à chacun – de suivre la progression du travail pendant qu’il se produit.
Il y a des personnes dignes de confiance, d’autres non
On entend souvent dire qu’il faut faire plus confiance aux autres. En réalité, non. Car ce n’est pas une question de quantité : il y a des personnes dignes de confiance, et d’autres qui ne le sont pas. La bonne pratique consiste à faire confiance à ceux qui le méritent et à ne pas faire confiance à ceux qui n’en sont pas dignes. Et comme la confiance est soumise au principe de réciprocité, il faudrait commencer par se montrer digne de confiance soi-même. La confiance ne se décrète pas, elle se construit. Pour être digne de confiance, il faut pouvoir répondre aux trois critères suivants :
– Partager les mêmes valeurs – et donc une forme d’intégrité ;
– Montrer sa capacité à prendre de bonnes décisions ;
– Etre prévisible.
Les valeurs sont ce qui dicte le comportement d’une personne quand elle est laissée à elle-même. Le fait de prendre de bonnes décisions est rassurant ; c’est une condition nécessaire mais pas suffisante pour inspirer confiance. Il faut aussi être prévisible, et montrer sa capacité à toujours prendre les bonnes décisions. Si une personne était imprévisible, et capable de prendre une décision complètement irrationnelle même occasionnellement, elle n’inspirerait pas confiance.
Si tout cela est vrai en temps normal, il est encore plus important, en période de crise, de créer ce climat de confiance dans l’entreprise. Cette nouvelle normalité, imposée par le confinement et le télétravail forcé, a sorti la plupart des collaborateurs de leur zone de confort pour les projeter dans une « stretch zone » (« zone d’extension », comme un élastique que l’on a étiré). Dans cette zone, on explore de nouvelles façons de faire, souvent dans l’effort. Il arrive donc de basculer dans une « zone de panique ». Et comme tout être humain, la panique déclenche un réflexe de survie, qui incite à se trouver un refuge. Ce refuge se situe souvent en dehors de l’entreprise, ce qui aboutit à un désengagement : la confiance est rompue.
Pour accompagner l’effort demandé, il est donc recommandé de créer ce refuge au sein de l’entreprise : c’est la notion de « safe space » (espace de sécurité). C’est bien évidemment un espace virtuel, une façon de faire qui consiste à donner à chacun, à sa demande, l’opportunité d’exprimer, un inconfort ou un malaise, sans être jugé, et de trouver du soutien dans la bienveillance.
Assurer un suivi
Peu d’entreprises sont équipées des bons tableaux de bord, qui sont pourtant nécessaires pour assurer un suivi optimal. Il y a effectivement deux façons de mesurer :
– La vérification : c’est la mesure a posteriori, ce qui s’apparente en fait à du contrôle. Le problème est que, avec cette façon de procéder, le résultat arrive bien trop tard, quand l’action est terminée et quand on est déjà parvenu au stade final. Il n’est alors plus possible de rattraper la situation. On ne peut que blâmer, punir… ou se lamenter. Au mieux, on essaie d’en tirer des leçons pour les appliquer lors du prochain cycle.
– Le monitoring : c’est la mesure en temps réel, c’est-à-dire apprécier l’action pendant qu’elle se produit, de façon à agir dans le moment et pouvoir agir sur le résultat avant qu’il ne soit trop tard.
Pour que le monitoring soit encore plus utile, les données devraient être partagées avec le plus grand nombre pour que, en permanence, l’intelligence collective se mette à la disposition de l’objectif final. Ainsi, à chaque fois que l’on observe un décalage ou une action inadéquate, on peut agir en donnant un feedback immédiat, bienveillant et constructif, ce qui permet de corriger le tir pour obtenir un meilleur résultat. Cette pratique collective s’avère puissante, particulièrement efficace, et induit un engagement hors normes des collaborateurs. Elle représente en soi un véritable avantage concurrentiel pour l’entreprise.
Par Joe Tabet
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