Le leadership et le sport partagent des valeurs communes, telles que l’exigence et la résilience. Des valeurs essentielles pour réussir dans ces deux sphères.
De nombreux sociologues estiment que le sport est un vecteur de valeurs fortes : la compétition, le plaisir de l’effort, le fair-play, le courage, la détermination, le dépassement de soi et la résilience (« Le Culte de la Performance », d’Alain Ehrenberg, Calmann-Levy, 1991 / « Sports et sciences sociales », de Christian Pociello, Vigot, février 1999). Toutes ces qualités attribuées au sport sont aujourd’hui largement plébiscitées par le monde de l’entreprise ; principalement car ces deux univers sont soumis aux mêmes logiques de performance. D’autant plus à l’heure où la crise ne fait plus exception et est devenue une normalité pour le monde de l’entreprise.
Premiers moteurs de performance et de rétention des talents, les fonctions de leadership sont devenues des atouts plus que stratégiques. Un sujet dont s’étaient déjà emparés Ian O’Boyle (joueur de basketball), Duncan Murray (enseignant-chercheur) et Paul Cummins (expert en leadership) dès 2015. Dans leurs recherches, ils se sont notamment intéressés aux théories du leadership applicables dans le sport avant de s’intéresser au leadership aussi bien dans le management sportif que le leadership dans le coaching sportif (« Leadership in Sport », de Ian O’Boyle, Duncan Murray et Paul Cummins, Routledge, 2015).
Les jeunes générations transforment profondément leur rapport au travail, et le temps de la simple « obéissance » en entreprise est révolu. L’équation n’est pas simple à résoudre. À l’aube de la Coupe du Monde du Rugby et à quelques mois des Jeux Olympiques, il y a fort à parier qu’un grand nombre d’entreprises continueront de s’inspirer du leadership dans le sport et de répliquer les mêmes logiques motivationnelles/inspirationnelles (« Le sport en entreprise au service des pratiques managériales », de Fabrice Burlot, Julien Pierre et Lilian Pichot, Communication, 2010) ».
Capitaliser sur l’individu pour déployer un collectif
La verticalité managériale est bel et bien un nouvel enjeu – et une forte attente des nouvelles générations – que doit prendre à bras le corps le leader aujourd’hui. Il doit se placer au centre du terrain, comme véritable moteur pour ses équipes.
Pour rester aligné sur le même objectif, le leader doit faire preuve de transparence sur sa stratégie et doit donner une vision claire de sa feuille de route ; de la trajectoire et de la stratégie de jeu. Le leader d’aujourd’hui devient un « leader coach », en s’appuyant notamment sur des softs-skills très forts : faire preuve d’empathie et d’écoute, inspirer et incarner ; mais aussi déceler les qualités de chacun. Car chaque talent est un « diamant brut », qu’il faut accompagner pour le révéler au grand jour.
Néanmoins, pour susciter l’adhésion d’un collectif, il est crucial d’y laisser une place considérable pour l’individualité. Le leader doit composer avec les personnalités et les qualités de chacun et être en capacité de capitaliser sur les forces de chaque membre de son équipe pour les emmener vers la réussite. Les enjeux d’upskilling et de formation continue sont clés pour y arriver.
Le monde entier se souviendra de la superbe remontada de l’équipe de France lors de la finale de la Coupe du Monde 2022. Didier Deschamps a fait preuve d’un leadership exemplaire et affirmé, afin d’emmener son équipe en finale – une stratégie de gestion des talents dont beaucoup d’organisations s’inspirent aujourd’hui. La sociologue Béatrice Barbusse rappelle d’ailleurs de son côté que l’univers militaire était autrefois une source d’inspiration, soutenant que l’expérience sportive peut fournir des enseignements opérationnels pertinents aux cadres d’entreprise pour diverses tâches.
Prendre soin de l’invisible
Derrière chaque athlète/leader se cachent de petits gestes invisibles, qui peuvent devenir de véritables « game changers » sur le terrain. Car pour favoriser résilience, agilité et collaboration, le leader doit s’ouvrir à des dimensions plus invisibles : culture, énergie, ou encore fierté d’appartenance. Les petits gestes invisibles – mots ou actions – qu’il impulse peuvent paraître anodins. Et pourtant, leur pouvoir et leur influence semblent illimités.
Les bons leaders décèlent l’invisible et savent largement capitaliser dessus. Un véritable don qui s’invite en entreprises pour le bien du collectif. Cette intelligence innée permet notamment de surmonter des périodes complexes. J’en suis convaincue : l’invisibilité peut être vecteur de prospérité. Comme le soulignait Marc Madiot en 2015, « le leader a cette flamme supplémentaire et il ne s’agit pas uniquement de physique, de physiologie. C’est un tout : c’est un puzzle où il faut que toutes les pièces soient réunies ».
Le poids de la responsabilité peut peser sur la charge mentale
La charge mentale n’a jamais autant fait parler d’elle que depuis la crise du Covid. Et pour cause : les chefs d’entreprise sont, depuis, confrontés à des défis toujours plus nombreux – et disposent donc une charge mentale bien plus lourde à assumer. Surtout lorsqu’ils sont aujourd’hui encore plus attendus pour incarner des valeurs sociales fortes et inspirer/embarquer tout un collectif. Et le protéger de toutes les charges négatives environnantes. Néanmoins, les tabous autour de la charge mentale commencent à être levés. Et à tous les niveaux. Simone Biles s’est confiée sur les raisons qui l’ont poussée à se retirer des Jeux Olympiques : sa santé mentale a été largement impactée. Une décision qui a été accueillie avec beaucoup plus de compréhension et d’empathie qu’imaginée.
Quant à Amélie Mauresmo, elle explique : « J’ai longtemps eu le sentiment de ne pas avoir le droit de perdre » (« Femmes Puissantes », de Léa Salamé, Les Arènes, 2020). Leaders et athlètes partagent le « poids » des responsabilités. Or, dans l’inconscient collectif, un leader ne dispose d’aucune faille et doit continuellement encaisser pour rebondir. Un cliché qu’il est devenu indispensable de dissiper.
Dans un contexte de grandes incertitudes, le leader d’aujourd’hui et de demain semble rencontrer les mêmes difficultés et complexités que les sportifs de haut niveau. Il devra s’appuyer davantage sur les valeurs du sport pour réussir à embarquer tout un collectif. Assurément, « le sport a des raisons que l’entreprise connaît » (« Les valeurs du sport au service de l’entreprise », d’Alain Ehrenberg, Problèmes économiques, avril 1990). Le côté humain est devenu primordial. Il est aujourd’hui nécessaire de s’appliquer une discipline bien spécifique : savoir s’entourer des meilleurs talents, accompagner les enjeux de santé mentale, continuer d’apprendre et de transmettre, se dépasser. Ce sera le prochain terrain de jeu des dirigeants.
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