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Réduction des émissions de scope 3 dans les entreprises high-tech européennes : défis et stratégies

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Réduire leurs émissions de gaz à effet de serre : voilà ce qu’impose l’urgence climatique aux entreprises depuis quelques années.

L’urgence climatique incite les entreprises à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre (GES). Entre 1995 et 2015, les émissions de scope 1, 2 et 3 ont respectivement augmenté de 47%, 78% et 84% à l’échelle mondiale. De plus en plus d’entreprises s’engagent vers la neutralité carbone. Selon l’initiative SBTi (Science-based Targets Initiative), plus de 2 000 entreprises du monde entier se sont désormais fixées des objectifs de réduction de leurs émissions de GES, dont 50% sont européennes.

Si la réduction des émissions de scope 1 (émissions issues de l’opération de l’entreprise) et 2 (émissions issues de l’énergie consommée par l’entreprise) a largement retenu l’attention des entreprises – ces démarches sont les plus directes – le scope 3 (émissions indirectes dans la chaîne de valeur en amont et en aval de l’entreprise) se montre plus délicat à aborder, et ce malgré son importance : il représente une part considérable des émissions des entreprises. Le défi réside en partie dans la nature même du scope 3, car ses émissions sont indirectes pour chaque entreprise et s’inscrivent dans un système de production et de consommation plus vaste.

Les émissions de scope 3 sont difficiles à mesurer et à réduire, mais le secteur high-tech a un rôle important à jouer

L’estimation des émissions de scope 3 s’est révélée comme une opération complexe. Obtenir des données sur les catégories amont et aval de la chaîne de valeur peut s’avérer difficile et l’utilisation de données de marché ou financières externes limite la précision des résultats. Nous avons utilisé un modèle des tableaux entrées-sorties multirégionaux avec extensions environnementales (EE-MRIO) pour analyser les émissions de scope 3 produites en amont.

Il en ressort que les émissions de scope 3 du secteur high-tech européen ( Les secteurs high-tech incluent les sous-secteurs de fabrication des machines de bureau, ordinateurs, machines électriques, équipements de radio, télévision et communication, instruments médicaux, de précision et d’optique, montres et horloges et d’autres types d’appareils), sont 10 fois plus élevées que ses émissions de scope 1, en raison de la concentration de celles-ci chez des fournisseurs en grande majorité indirects et dispersés au niveau global. Seul un tiers des entreprises high-tech internationales se sont fixées des objectifs de neutralité carbone avec le scope 3 inclus. Les entreprises européennes se placent légèrement en tête, mais plus de 60% d’entre elles n’ont toujours pas d’objectif visant le scope 3.

Lorsqu’on s’intéresse de plus près aux principaux secteurs qui approvisionnent la high-tech, tels que les ressources naturelles, les produits chimiques ou les industries manufacturières, on constate que, bien qu’ils se soient fixés des objectifs ambitieux visant la neutralité carbone (scopes 1 & 2) avant 2050, on estime qu’ils atteindront ces objectifs avec un retard moyen de plus de 10 ans. Cela signifie que pour les entreprises du secteur high-tech, l’atteinte des objectifs de neutralité carbone (scope 3 inclus) n’en est que plus épineuse, puisque ces secteurs sont les sources principales de leurs émissions de scope 3 en amont.

Les entreprises high-tech endossent par conséquent un rôle déterminant : en plus de réduire les émissions sur leur propre périmètre, elles assument aussi la responsabilité d’impliquer leurs fournisseurs dans la décarbonation pour réduire les émissions de scope 3.

Les émissions de scope 3 en amont se concentrent nettement chez les fournisseurs indirects

Se concentrer sur les fournisseurs directs ne serait pas suffisant pour réduire les émissions du scope 3 en amont : ils ne représentent, en moyenne, que 37% du total des émissions « amont » des industries européennes, une moyenne qui chute à 1 % pour le secteur high-tech en Europe. Cette visibilité limitée sur les domaines et les interlocuteurs propices à la création de trajectoires de décarbonation vient opacifier leurs options stratégiques. Gagner en visibilité est désormais primordial pour ces entreprises qui souhaitent décarboner leur supply chain et atteindre la neutralité carbone.

Au-delà des fournisseurs directs, les partenaires des entreprises sont largement dispersés à travers le monde

Certaines chaînes de valeur impliquent davantage de partenaires internationaux sur plusieurs tiers. Selon nos estimations, seules 17% des émissions directes « amont » du secteur high-tech européen proviennent de l’extérieur du continent, contre 58% lorsqu’on considère les fournisseurs indirects. Chez ces derniers, l’Asie et le reste du monde (RoW) s’imposent comme les principales régions sources d’émissions (figure 2).

Figure 2 : Émissions de scope 3 « amont » des secteurs high-tech européens, par région sourceMette Knudsen, Pilar Acosta, Yuhui Xiong

Les sources d’émissions au-delà des fournisseurs directs sont plus complexes

La complexité s’accroît lorsqu’on s’éloigne des fournisseurs de tier 1, c’est-à-dire des fournisseurs directs de l’entreprise en question – les fournisseurs de tier 2 étant les fournisseurs directs des fournisseurs de tier 1 (Figure 3). Au tier 1, la majeure partie des émissions de scope 3 produites en amont du secteur high-tech européen proviennent des étapes de transformation et de fabrication. Mais lorsqu’on s’éloigne des fournisseurs de tiers 1, l’extraction des matières premières devient une source importante via sa consommation d’énergie et de matières premières minérales. Avec des minéraux pouvant provenir de multiples fournisseurs, les responsabilités sont diluées, ce qui complique la tâche des entreprises high-tech.

Figure 3 : Émissions de scope 3 produites en amont des secteurs high-tech européens, par secteur sourceMette Knudsen, Pilar Acosta, Yuhui Xiong

Stratégies de décarbonation de la chaîne de valeur pour les entreprises européennes du secteur high-tech

Action 1 : Réaliser une véritable analyse des points sensibles d’émission sur plusieurs tiers pour fixer des objectifs et mener les actions pertinentes

Pour se concentrer sur l’essentiel, les entreprises doivent procéder à l’analyse détaillée de leur base de fournisseurs afin d’identifier les sources d’émissions les plus importantes (points sensibles). Pour gérer les nombreux fournisseurs indirects, on identifiera un fournisseur critique, doté de multiples connexions avec le reste de la supply chain : le fournisseur « nexus ».

Action 2 : Intégrer la durabilité dans la catégorie planification et la sélection des fournisseurs

Grâce à l’identification des points sensibles, une entreprise peut intégrer des activités de réduction d’émissions dans ses programmes de dépenses. La première étape consiste à s’assurer que les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) sont bien inclus à chaque étape du processus de sourcing et de prise de décision, notamment pour les fournisseurs identifiés comme points sensibles.

Action 3 : Intégrer les émissions dans la tour de contrôle de la supply chain et mettre en œuvre un jumeau numérique

Les tours de contrôle peuvent aider les entreprises à réduire leurs émissions de scope 3 en offrant une visibilité et une prise de décision centralisées. Complément efficace de la tour de contrôle, le jumeau numérique de la supply chain génère une visibilité de bout en bout nécessaire à l’optimisation en temps réel des réseaux de supply chain.

Action 4 : Soutenir les fournisseurs dans leurs actions de décarbonation en cours

Armées des outils et des ressources appropriés, les entreprises peuvent collaborer avec leurs fournisseurs de manière proactive pour les aider à décarboner. Dans cette optique, se doter d’un programme de développement fournisseurs s’avère essentiel. Un tel programme doit inclure des exigences en matière d’émissions, mais aussi prévoir la formation, l’assistance et les mesures incitatives nécessaires pour motiver les fournisseurs à accélérer leur parcours ESG.

Action 5 : Collaborer au sein de votre secteur avec les pairs et partenaires de votre écosystème pour accélérer la décarbonation à grande échelle

Un modèle opérationnel intelligent doit être mis en œuvre pour traiter le problème de manque de données lié aux émissions, capable d’agréger les données récoltées auprès des différentes parties et de formuler des recommandations sur les moyens les plus efficaces d’accélérer la décarbonation. Ces plateformes nécessitent un engagement continu de la part des fournisseurs, mais également d’autres acteurs – même des concurrents doivent être impliqués.

 

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