Developement & RSE

Neutralité carbone : comment les entreprises développent un nouvel ADN autour de l’innovation durable

0

Faire de la durabilité un axe majeur de la conception d’un produit ou d’un service est un objectif qui doit désormais s’inscrire dans l’ADN de chaque entreprise. Pour répondre aux enjeux de réduction de l’empreinte carbone, les entreprises n’ont pas d’autre alternative. Si les ruptures technologiques leur apportent de nombreuses solutions, elles doivent aussi changer de paradigme. En élargissant leur approche scientifique mais également en redéfinissant la notion même d’innovation et la façon dont elle s’intègre dans les organisations.

Economie circulaire, de proximité, énergies renouvelables, consommation responsable… Dans l’équation complexe que posent les conséquences de l’activité humaine sur la planète, diverses pistes sont aujourd’hui explorées. Mais, bien que de nombreuses solutions technologiques se déploient sur le marché, peu d’entreprises traitent le sujet de façon transverse. Partant du constat que l’innovation est au service de la durabilité, il serait intéressant de s’engager pleinement dans une stratégie technologique mais aussi méthodologique, organisationnelle et culturelle à travers laquelle innovation et durabilité ne font plus qu’un. L’objectif est simple : réduire l’empreinte environnementale d’un produit et des process industriels qui y sont liés en le concevant dès le départ au-delà de sa simple fonctionnalité et en prenant en compte l’ensemble de son cycle de vie. Le penser, non plus en mode de « grande » mais de « longue » consommation. Il s’agit d’envisager tout produit avec une approche holistique et une vision systémique de long terme qui, outre son usage principal, doit aussi tenir compte de sa durabilité, sa modularité, sa récupérabilité et sa recyclabilité. Une logique implacable qui s’appuie sur un constat qui l’est tout autant : 80% des impacts environnementaux associés aux produits résultent de décisions prises au stade de la conception, selon une étude publiée par la Commission européenne.

Capgemini

La durabilité, un concept encore mal appréhendé par les entreprises

En dépit des efforts déployés par les entreprises pour réduire leur empreinte environnementale, le concept d’innovation durable peine à prendre racines. Selon une étude récente de Capgemini, seuls 22% des acteurs interrogés déclarent que la durabilité est un élément clé de leur processus de conception des produits. Pourtant, 67% des sondés à l’origine d’initiatives en la matière ont constaté une réduction des émissions. Alors qu’il fait sens, pourquoi ce concept peine-t-il à se généraliser ?

Il apparaît, tout d’abord, que le principe de durabilité infuse difficilement la culture d’entreprise car il est mal ou pas totalement appréhendé. En effet, la même étude laisse apparaître que 51% des répondants ont une connaissance limitée des impacts de leurs produits tout au long de leur cycle de vie. En outre, si bon nombre d’entreprises se concentrent sur la réduction des impacts lors de la phase de fabrication et d’utilisation des produits, la gestion de fin de vie est, elle, encore largement ignorée. Or, pour que la démarche soit réellement efficace, il est essentiel de considérer le système dans son ensemble, en tenant compte tant des retombées environnementales et sociales que de la pression sur les ressources naturelles ou des conséquences sur la biodiversité.

Déjouer les mythes autour de la conception durable

Pour ce faire, une approche systémique est nécessaire. Mais celle-ci complexifie d’autant l’équation des entreprises, qui doivent intégrer dans leur processus de conception un nombre exponentiel de paramètres : le choix des matériaux, la réparabilité, la facilité de démontage, la conception des composants, le mécanisme de transfert de données… Il s’agit de concevoir un produit en réduisant son obsolescence, tout en intégrant les mises à jour logicielles, sans oublier la sécurité et la confidentialité pour l’utilisateur. Le défi est de taille, mais il va falloir le relever grâce à des démarches éprouvées. Car l’évolution technologique est aujourd’hui l’un des facteurs en mesure de résoudre des dilemmes de cette nature. La puissance de calcul de l’intelligence artificielle ou encore l’ingénierie système peuvent désormais modéliser de façon prédictive le cycle de vie d’un produit dans son ensemble. Les avancées actuelles – comme la blockchain – permettent aussi bien d’avoir une traçabilité des matériaux utilisés que d’envisager de les substituer par des alternatives plus écologiques. Mais, en dépit du champ des possibles ouvert par les ruptures technologiques actuelles, les entreprises s’avèrent bien souvent en déficit de capacités pour les mettre en œuvre. Elles manquent particulièrement d’outils, de méthodes et de compétences notamment en matière d’analyse du cycle de vie (ACV), indispensables à la compréhension des impacts environnementaux.

Cette carence tient, entre autres, aux financements engagés. La conception de produits durables nécessite des investissements technologiques qui peuvent, dans certains cas, être un obstacle financier. Pourtant, s’il est un atout que l’innovation durable porte en elle, c’est bien la réduction de coûts des matériaux, de fabrication, de distribution, du risque… sans évoquer les avantages commerciaux. De fait, au bout du processus, les coûts initiaux génèrent surtout de la valeur pour l’entreprise. Ainsi, l’aimant BlueSeal de Philips, utilisé dans les systèmes d’imagerie par résonance magnétique (IRM), ne nécessite que sept litres d’hélium liquide pour son refroidissement contre 1500 litres pour des aimants conventionnels. Autre exemple, l’utilisation par IKEA de l’emballage à plat permet de transporter deux fois plus de produits par camion. Et donc de réduire le nombre final de trajets. En 2021, HP a utilisé 134 000 tonnes de plastique recyclé pour fabriquer des cartouches. Outre une réduction des déchets, l’entreprise a enregistré 3,5 milliards de dollars de nouvelles ventes en raison de l’aspect durable de son produit (soit trois fois plus que lors de l’exercice précédent). Les exemples ne manquent pas et montrent qu’au-delà de l’investissement initial, concevoir de façon durable un produit permet d’en réduire structurellement les coûts. Et, de surcroît, d’en augmenter parfois les bénéfices.

Les phases essentielles de la conception durable

Une telle approche impose de repenser en amont le système dans son ensemble, en adoptant une démarche sincère, entière et absolue. En s’affranchissant des standards séculaires de l’innovation, où l’excitation du court terme l’emporte souvent sur la réflexion du long terme, elle commande de prendre le temps de soigner la phase de préconception d’un produit. Celle-ci doit tout d’abord s’attacher à définir l’objectif et l’ambition éthique qui le caractérise. Elle nécessite, ensuite, d’être abordé d’un point de vue scientifique avec des débats contradictoires entre les parties prenantes, quitte potentiellement à aboutir à des conclusions contre-intuitives. Enfin, cette phase réclame surtout une approche holistique afin de tenir compte de tous les impacts du produit. Une telle démarche impose une logique collaborative entre les protagonistes (services concernés en interne, partenaires ou sous-traitants, voire société civile) aux dépens de la compétition, en bannissant les intérêts personnels et en appréhendant le produit au-delà de sa simple rentabilité économique. Pour cela, les entreprises – petites et grandes – doivent s’ouvrir à l’écosystème auquel elles appartiennent en créant de nouveaux liens, en reconnectant le monde académique et industriel, afin que chaque protagoniste puisse partager son savoir et/ou son savoir-faire.

Ce changement d’état d’esprit n’est qu’une première étape. Le processus qui doit suivre impose un changement complet de paradigme. Ainsi, le principe de durabilité doit être replacé au fondement de l’innovation et, dès lors, initier un changement plus large. En interne, cela consiste à prioriser la conception, à consolider son approche sur la base de données solides, à initier un nouveau mode de pensée plus systémique et circulaire. Mais aussi à définir des objectifs, à établir des responsabilités au sein des équipes concernées et à développer des compétences. Nouvelle approche, nouvelle organisation et nouveaux processus en interne qui vont aussi donner lieu à de nouveaux types de partenariats, tout au long de la chaîne de valeur du produit. Enfin, cette démarche impose un changement fondamental dans la gestion d’un projet. En s’attachant à adopter une comptabilité des coûts réels au-delà de l’aspect financier (intégrant une dimension environnementale et sociale, comme le calcul de l’empreinte carbone), en générant des économies d’échelle et en prenant en compte un retour sur investissement sur le long terme.

Pour les entreprises, leurs équipes de Recherche et Développement, leurs prestataires et sous-traitants, ce changement de paradigme soulève bon nombre de questions. Quelle organisation mettre en place ? Quelles compétences doivent être développées ? Quels moyens financiers, humains et technologiques y allouer ? Autant d’interrogations nécessaires pour ne plus considérer une chaîne de production de façon linéaire mais multidimensionnelle. Et ainsi replacer l’innovation durable au cœur de leur stratégie, et concevoir des produits pensés bien au-delà de leur simple usage.

 

admin
Soutenez votre média indépendant de management : abonnez-vous à Afrik Management au service des individus et des organisations ! À 15 €/An A compter de février 2024, accédez à des contenus exclusifs sur et naviguez pour 15 € par an seulement ! Notre mission en tant que média de management ? Rendre le savoir accessible au plus grand monde. Nous produisons chaque jour nos propres articles, enquêtes et reportages, le tout à taille humaine. Soutenez-nous dans cette démarche et cette ambition.

L’intelligence artificielle nous fera-t-elle perdre notre intuition ?

Previous article

L’économie de la connaissance risque-t-elle d’être ubérisée ?

Next article

Commentaires

Leave a reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

You may also like