Dans de nombreux secteurs, ChatGPT est devenu un outil que l’on met ouvertement à contribution. Au risque de se passer de certains exécutants… D’ores et déjà, dans des cabinets d’avocats, comme dans des agences de relations publiques, ChatGPT rime avec économie. Au risque de mettre au chômage des prestataires de tous poils. L’intelligence artificielle représente-t-elle une menace pour votre job chéri ?
Tout cela, ce sont des phrases réelles que l’auteur de cet article a entendu de la part de membres de professions diverses : courtier, avocat, cadre d’agence de relation publique… Il n’a pas fallu longtemps pour que les intéressés réalisent que cette intelligence artificielle pouvait prendre en charge quelques tâches administratives et que cela pouvait se traduire en une réduction salutaire — à leurs yeux — de budget.
En réalité, cette préoccupation est devenue intense. Il est devenu difficile de parler à quelqu’un de ChatGPT et consorts sans qu’il n’évoque tôt ou tard une question brûlante : « Est-ce que ChatGPT risque de me mettre au chômage ? »
25 % des emplois potentiellement remplaçables
Au début du mois d’avril 2023, une étude de Goldman Sachs a publié les résultats d’une étude et celle-ci n’a rien fait pour apaiser les craintes évoquées plus haut. Cette banque d’investissement a voulu analyser l’impact à grande échelle d’applications tels que ChatGPT. L’une de ses conclusions est certes positive : les outils d’IA devraient entraîner une augmentation de 7 % de la richesse mondiale, grâce aux gains de productivité qu’ils induisent. Seulement voilà… Dans le même temps, ces mêmes outils seraient à même de prendre en main le quart de la charge de travail, dans des continents comme les États-Unis ou l’Europe !
Une autre étude, menée par Pew Research Center auprès de 11 000 adultes américains en décembre 2022, a fait ressortir que 32 % sont inquiets de l’impact de l’IA sur leur job comme sur la recherche d’emplois dans la perspective des 20 années à venir — il convient toutefois d’indiquer que 40 % estiment que l’arrivée de l’IA sera bénéfique.
Une étude de l’université de Pennsylvanie et Open Research se veut plus précise quant aux impacts réels : « 80 % de la main-d’œuvre pourrait voir au moins 10 % de ses tâches affectées. Et 19 % verraient au moins 50 % de leurs tâches affectées par l’introduction d’outils tels que ChatGPT ».
Quels sont les métiers menacés ?
Diverses études dressent des listes de métiers qui pourraient être impactés par l’avènement de l’IA. Dans le lot, on trouve certaines activités que l’aurait cru davantage à l’abri :
- les traitements de données fiscales ;
- le développement d’applications informatiques ;
- les activités des clercs de cabinets d’avocats ;
- la comptabilité ;
- l’analyse de marché ;
- la conception graphique ;
- de nombreuses activités liées à la rédaction (fiches produit, annonce d’appartement à vendre…) ;
- l’assistance des clients par téléphone ;
- l’activité de traducteur ou d’interprète, notamment dans les domaines très spécialisés ;
- etc.
LES GÉNÉRATEURS D’IMAGE À PARTIR DE TEXTE (TEXT-TO-IMAGE) SERAIENT EN MESURE DE RETIRER DU TRAVAIL À DE NOMBREUX CONCEPTEURS GRAPHIQUES. © D.ICHBIAH VIA DREAMLIKE.ART
Bien évidemment, lorsque l’on interroge les intéressés, ceux-ci défendent habituellement leur territoire. Par exemple, les développeurs de code informatique font remarquer un point : quelqu’un qui n’est pas du sérail ne saura que faire exactement avec les suites d’instructions Python ou Javascript produites par ChatGPT.
Dans le secteur juridique, certains font remarquer que la recherche de documents est une tâche longue et fastidieuse dont l’IA pourrait s’acquitter remarquablement, mais qu’une bonne plaidoirie reste un art en soi. Il en est de même pour la rédaction de messages de réponses dans une agence immobilière, et qui devrait laisser plus de temps pour la négociation elle-même. En clair : les activités nécessitant une expertise ou un talent seraient épargnées et certains veulent même voir là l’opportunité d’une meilleure rémunération, l’intelligence artificielle étant en mesure de les débarrasser de tâches fastidieuses et favoriser une meilleure productivité.
Quid des journalistes ? Ceux dont l’activité dépend fortement d’une activité de « terrain » (enquête, interviews…) devraient rester irremplaçables. Toutefois, les scribes affectés à la simple réécriture de dépêches d’agences pourraient avoir du souci à se faire.
Bref, les jobs appelés à disparaître concerneraient au premier chef des tâches d’assistants, notamment la rédaction de documents extrêmement standardisés. Admettons. Mais, si demain, de tels jobs pénibles sont pris en charge par des émules de ChatGPT, quelles alternatives seront proposées aux intéressés ?
De nouveaux jobs à l’horizon ?
Certains font remarquer que l’Histoire est une longue série de révolutions technologiques qui ont vu des emplois disparaître pour favoriser l’apparition d’autres.
Au début du XIXe siècle, le métier à tisser de Jacquard a favorisé une production de masse de vêtements et impacté le métier de tailleur. Toutefois, un grand nombre de commerce de détail sont ainsi apparus. De même, en 1908, lorsque Henry Ford a mis en place les chaînes de montage de la Model T afin de favoriser une production de masse, il a démocratisé l’automobile et engendré l’apparition des stations service et des concessionnaires automobile.
Admettons qu’une même évolution se produise. Il reste que l’on peine à voir quels seront ces fameuses nouvelles activités car, à la différence du Web qui a remplacé une part de l’activité de vente en magasin par le commerce en ligne, l’IA a tendance à éliminer des tâches sans réellement ouvrir de nouvelles opportunités.
Bill Gates en faveur d’une taxation des robots
Dès 2018, Bill Gates, le fondateur de l’édition de logiciels Microsoft Gates s’est prononcé en faveur d’une taxe qui amènerait les producteurs de robots à devoir compenser tout job qui serait remplacé par une IA. Une telle taxe aurait pour effet de maintenir le salaire et payer la formation de la personne concernée, durant la période de transition. Il serait également possible d’envisager une semaine de travail de 4 jours assortie d’une journée dédiée à la formation continue dans des secteurs exprimant une forte demande.
D’ores et déjà, l’Union européenne planche sur un encadrement de l’IA et de telles options pourraient fort bien figurer au catalogue des mesures adoptées par l’équipe de réflexion menée par les députés européens Dragoș Tudorache et Brando Benifei.
Il se trouve Bill Gates se veut alarmiste sur la question. À en croire celui qui a été longtemps été loué pour ses qualités de visionnaire : « Les nouveaux programmes comme ChatGPT rendront de nombreux travaux de bureau plus efficaces en aidant à rédiger des factures ou des lettres. Cela va changer notre monde. La demande pour un grand nombre de compétences est appelée à se réduire de façon substantielle. Je n’ai pas l’impression que les gens en soient conscients. La perturbation du marché de l’emploi due à l’IA sera massive et nous devons nous y préparer. » (Extrait d’un article publié dans Handelsblatt)
BILL GATES À PARIS POUR LE LANCEMENT DE WINDOWS 95. © D. ICHBIAH
Quels métiers ne devraient pas pâtir de l’arrivée de l’IA ?
À plus ou moins long terme, les métiers dépendant fortement d’une présence humaine devraient être protégés. Parmi eux :
- L’artisanat ;
- La négociation ;
- Le soin à domicile ;
- La logistique – même si cette activité pourrait être menacée à terme par l’arrivée l’essor des véhicules autonomes ;
- Le théâtre ;
- Les chanteurs et groupes à fort impact scénique ;
- Les restaurateurs et chefs ;
- La plomberie ;
- Le maintien de l’ordre ;
- etc.
ChatGPT et autres IA pourraient ainsi entraîner un regain d’intérêt pour ces métiers impliquant une part importante de travail manuel, de créativité ou de compétence personnelle. En attendant, il est urgent que les législateurs se penchent sur la question d’une compensation pour les jobs perdus, qui sera financée par les géants de l’intelligence artificielle…
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