« Dans une petite étude que nous avons faite, nous nous sommes rendus compte
qu’il faut 18 millions FCFA/Mois pour faire fonctionner un journal (presse papier), cela
suppose qu’il faut avoir fait au moins une recette de 18 millions/Mois. Mais la réalité
est tout autre. A peine les journaux ivoiriens arrivent à imprimer 3000 exemplaires et
sur ces 3000 exemplaires environ 300 journaux sont vendus. C’est dire que le mal
est profond », affirme Samba Koné, président de l’Autorité nationale de la presse
(ANP). C’était à l’occasion de l’atelier média initié par le Conseil national des Droits
de l’homme (CNDH), le 2 août 2023, au siège de cette institution à Abidjan-Cocody.
L’autre constat aussi c’est la question de la liberté de presse réclamée à cor et à cri
par les médias. « Mais sans la liberté économique, il serait illusoire de prétendre à
une quelconque liberté de presse. « Comment vouloir des écrits objectifs si les
journalistes ne mangent pas à leur faim. Ils sont à la merci des hommes politiques »,
explique à son tour Dégni Maixent, ex-présentateur télé, à la radiodiffusion ivoirienne
(RTI) aujourd’hui conseiller spécial du directeur général de la RTI. Il touche ainsi du
doigt l’une des plaies de la profession, à savoir, les conditions de vie et de travail des
journalistes.
En Côte d’Ivoire très peu de journalistes sont payés à la convention collective censée
apporter une autonomie financière aux acteurs de cette corporation. La plupart des
médias doivent leur survie à un fonds de soutien annuel à la presse alloué par le
gouvernement ivoirien. Mais comment peut-on prétendre à la liberté lorsque vous
continuez de vous abreuver à la sève nourricière ?
Dr Alfred Dan Moussa, directeur général de l’ISTC Polytechnique, la plus grande
fabrique de journalistes d’Abidjan a une idée. Au-delà de la question financière, les
hommes de média gagneraient à demeurer dans leur champ en refusant de
substituer aux acteurs politiques. « On ne vient pas dans ce métier pour se faire de
l’argent autrement il faut changer de profession et devenir douanier », ironise-t-il.
Selon lui, la confusion des genres et des rôles ne peut guère contribuer à offrir un
environnement empreint de sérénité. C’est à juste titre qu’il a invité les journalistes à
revisiter ce qui devrait être leur livre de chevet, le code de déontologie et d’éthique
car at-il dit « bien connaître les textes qui régissent sa profession procure au
journaliste respect et considération », a-t-il recommandé.
Ces professionnels des médias sont toutefois unanimes qu’il faut repenser le modèle
économique de la presse traditionnelle afin qu’elle épouse l’ère des temps face à la
concurrence que lui livre désormais les nouveaux médias. « Les temps ont changé,
les pratiques aussi doivent changer, le débat est ouvert », affirme Samba Koné.
Ex-directeur général de l'Agence ivoirienne de presse (AIP) de 1987 à 2000,
Samba Koné a été également président de l'observatoire de la liberté de la
presse, de l'éthique et de la déontologie (OLPED) entre 2000 et 2006 et
Président du Réseau des instances africaines d'autorégulation des médias
(RIAAM) de 2006 à 2009.
Nommé en 2020, il est l’actuel président de ANP et depuis 2002, président de la
Commission consultative de gestion de l'Institut des sciences et techniques de la
communication (ISTC).
Diplômé de l’école supérieure de Lille (France), Dr Alfred Dan Moussa a fait
l’essentiel de sa carrière au journal gouvernemental Fraternité Matin où il a
occupé successivement les fonctions de Rédacteur en Chef et Directeur des
Rédactions. Il a par ailleurs occupé les fonctions de Président de l'OLPED
(Observatoire pour la liberté de presse de l’Ethique et le déontologie) et Président
international de l'UPF (Union de la presse francophone) avant de bénéficier d’une
retraite dorée. Alors qu’il était à la retraite, il est nommé en 2012, directeur de
l’Institut des Sciences et techniques (ISTC) Polytechnique, la plus prestigieuse école
de formation des journalistes de Côte d’Ivoire et de la sous-région.
Eugène YAO
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