Tous les acteurs de l’impact veulent faire du changement systémique. Mais au fait, qu’entend-on par changement systémique, ce terme qui fleurit un peu partout quitte à être mal utilisé ?
Les entrepreneurs à impact n’ont que ce mot à la bouche. Il n’y a qu’à se perdre sur LinkedIn pour percevoir à quel point le terme est à la mode : le changement systémique. Par exemple, Brune Poirson, directrice du développement durable du groupe hôtelier Accor, l’utilise dans ses post LinkedIn au sujet de l’économie circulaire qui mériterait, selon elle, une approche systémique.
L’association mondiale Ashoka, qui accompagne « des acteurs du changement », souhaite diffuser le plus largement cette terminologie. Elle a lancé en 2022, avec des partenaires, sa plateforme Agir à la Racine. Son objectif est de rassembler les acteurs de l’impact et de la philanthropie que sont les entreprises et les chercheurs, autour de la notion de « changement systémique ». Sur leur site, l’objectif de l’initiative est affiché : rendre accessible la notion de « changement systémique », notamment pour les acteurs de la philanthropie.
LE CHANGEMENT SYSTÉMIQUE POUR CHANGER LE SYSTÈME
Mais de quoi s’agit-il ? Avant tout, tentons de comprendre le terme « systémique ». Cela revient à considérer un phénomène au sein d’un système et non pas déconnecté de tout le reste.
Cette approche est apparue au milieu du XXe siècle et a continué de gagner en importance au fil des décennies. Elle se distingue de l’approche cartésienne, du nom du philosophe français Descartes, qui considère qu’il est nécessaire de découper le sujet en différentes parties indépendantes pour les étudier.
Or, la méthode cartésienne vient nier les interactions qui existent et les conséquences d’un élément sur un autre. Pourtant, la société est faite de phénomènes qui interagissent. Peut-on étudier le racisme sans s’intéresser au fonctionnement des autres pans de la société ? À l’emploi, la santé, l’éducation ?
Le changement systémique consiste donc à considérer que les problèmes de la société sont enracinés dans des systèmes. Dès lors, un changement est atteint, selon Agir à la racine, « lorsque le système visé est transformé de telle sorte qu’il produit des effets nouveaux, différents, et plus souhaitables. »
« CHANGER LES MENTALITÉS »
Elsa Grangier, directrice générale d’Ashoka France, expliquait à Carenews en 2021, l’importance de l’approche systémique :
Il y a une lame de fond, on comprend de plus en plus ce que c’est que cette terminologie de changement systémique. Casser les représentations dans lesquelles nous sommes, changer les mentalités, imprimer de nouvelles règles. »
Elle cite l’exemple d’Unis-Cité, association pionnière, qui a participé à l’implémentation du service civique en France. Ce dispositif touche aujourd’hui environ 80 000 jeunes par an.
UN RISQUE DE « SYTÉMIQUEWASHING »
Mais attention au mésusage. Comme le greenwashing pour l’écologie, ne peut-on pas imaginer un potentiel « sytémiquewashing » ? C’est-à-dire une solution, entreprise qui décrirait son action comme systémique alors qu’elle ne l’est pas vraiment. Il faut donc préférer une utilisation économe de cette terminologie.
Une solution systémique doit prendre le problème à sa racine et non pas s’intéresser aux symptômes. Par exemple, une solution de recyclage est-elle systématique alors qu’elle n’agit pas à la racine, sur la réduction de l’usage du plastique ?
De même, l’aide alimentaire peut apparaître comme une solution non systémique puisqu’elle maintient les personnes précaires dans une situation de dépendance vis-à-vis des associations. En revanche, une sécurité sociale de l’alimentation, mesure proposée par une coalition d’acteurs, permettrait de sécuriser un budget alimentation durable pour chaque citoyen. Ce type de mesure peut en revanche être considéré comme une solution systémique.
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