Depuis les Trente Glorieuses, s’adapter à l’évolution du monde est devenu un impératif pour les entreprises. Cette nécessité n’a cessé de s’accentuer au fil des décennies, exigeant des organisations qu’elles fassent preuve d’agilité au quotidien pour assurer leur pérennité.
Il n’existe pas de recette miracle pour réussir. La seule règle d’or pour garantir une performance durable consiste à s’adapter à ce contexte tumultueux, où les changements s’enchaînent à un rythme toujours plus effréné.
Dans ce cadre, où il faut « faire plus avec moins », toute organisation peut assurer sa pérennité en diagnostiquant son profil d’agilité pour optimiser son fonctionnement (« Le principe frugalité », de Marc Halévy, Dangles, 2010).
Sommes-nous seulement ce que nous faisons dans notre contexte ?
Le contexte dans lequel évolue une organisation est un véritable écosystème, composé d’une multitude de parties prenantes interconnectées. Les salariés, les actionnaires, les clients, les fournisseurs, les partenaires et même la Société dans son ensemble, exercent une influence permanente sur la stratégie et les actions menées au quotidien.
Cet écosystème est donc avant tout humain : il est constitué d’individus appartenant à des organisations différentes, avec leurs propres intérêts, parfois divergents, mais aussi des points de convergence, et qui doivent agir ensemble pour assurer une bonne performance et une meilleure QVCT (« Le baromètre Qualité de Vie et Conditions de Travail 2024 », enquête Ipsos pour Qualisocial).
Notre contexte économique et social a évolué au cours de l’histoire, et nos attentes aussi. Dans les années 1950, il fallait reconstruire la France de l’après-guerre. Les compétences attendues étaient centrées sur le savoir-faire afin de bien produire.
Les années 1980 ont marqué un tournant, avec la crise pétrolière et l’augmentation du prix des matières premières. Dans un environnement concurrentiel exacerbé, la différenciation ne se jouait plus uniquement sur le produit, mais également sur le service associé, comme le conseil personnalisé. Les attentes se sont alors recentrées sur le savoir-être, au-delà du savoir-faire technique.
Depuis les années 2000, l’arrivée du Web a profondément bouleversé les paradigmes. Face à l’accélération du rythme des changements, le savoir-faire et le savoir-être ne suffisent plus. Il est devenu indispensable d’explorer le champ des possibles pour s’adapter en permanence, d’être ouvert aux solutions innovantes et d’agir avec justesse et discernement, en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes. Cette capacité à « mieux agir ensemble » pourrait être qualifiée de « savoir-agir ». Ce savoir-agir implique de trouver le juste équilibre entre résilience et performance. Il ne s’agit ni d’en faire trop, au risque de s’épuiser face aux changements incessants, ni d’en faire trop peu, ce qui nuirait à la performance.
« Mieux agir ensemble » est donc la capacité à mobiliser son savoir-faire et son savoir-être avec justesse et discernement, en fonction du contexte présent, et constitue ainsi l’essence même de l’agilité comportementale.
Les équipes performantes agissent mieux ensemble dans leur organisation
Les équipes performantes à long terme activent les trois postures d’agilité comportementale ci-dessous, selon un optimum d’énergie investie, « ni trop, ni trop peu », pour assurer leur réussite dans ce contexte tumultueux :
- L’anticipation leur permet d’analyser les risques et les conséquences des différents scénarios possibles, tout en captant les imprévus pour s’ajuster en temps réel. Trop d’anticipation leur ferait perdre du temps à envisager des hypothèses qui ne se produiront jamais, tandis que trop peu mettrait l’organisation et les individus en danger, en fonçant sans tenir compte des aléas.
- La coopération leur permet de mieux réussir ensemble en s’entraidant. C’est la capacité à contribuer et à réorganiser les priorités pour atteindre les objectifs communs, en déployant la stratégie et le projet d’entreprise tout en tenant compte des contraintes et des besoins de chacun. Doser la coopération consiste à ne pas s’oublier en passant trop de temps à aider les autres, ni trop peu pour apporter la fluidité nécessaire.
- L’innovation leur permet de mettre en œuvre de nouvelles idées pertinentes qui apportent de la valeur ajoutée à l’organisation. Cette capacité nécessite d’écouter, de s’ouvrir aux idées nouvelles et d’analyser leur pertinence au regard des méthodes déjà en place, puis de fédérer chaque acteur de l’entreprise autour de ces changements. Pour performer durablement, ils évoluent pas à pas afin de ne pas perdre leurs repères, et régulièrement pour assurer la dynamique de l’entreprise.
Il est possible de mesurer l’agilité comportementale individuelle et collective pour identifier des pistes d’amélioration. Le test psychométrique Agile Profile permet par exemple de diagnostiquer la capacité de toutes les parties prenantes à agir de manière adaptée aux besoins de leur environnement.
Comment savoir si une organisation fonctionne de manière performante, durablement ?
Au-delà des postures permettant de « mieux agir ensemble », on distingue deux types de contextes de travail :
- Les environnements régulés, caractéristiques des organisations fonctionnant selon des processus et des procédures bien établis, avec une hiérarchie verticale où le respect de l’ordre et de la stabilité prime. Dans ce type d’environnement, le changement est perçu comme une perturbation et, s’il est inévitable, il sera piloté de manière très encadrée. C’est le mode d’organisation encore largement prépondérant dans le secteur de la santé, par exemple : les instances de gouvernance et la hiérarchie sont bien structurées, les protocoles sont clairement définis et respectés, et des tâches précises sont attribuées à chaque métier.
- Les environnements adaptatifs, observés dans les organisations évolutives où la gestion des activités se fait en mode projet et où la délégation encourage l’autonomie de chacun. C’est le mode d’organisation typique des entreprises du secteur numérique, comme une agence de communication. Elles fonctionnent avec une hiérarchie aplatie, des processus en évolution permanente pour s’adapter aux nouveautés quotidiennes et des équipes transverses créées spécifiquement pour chaque projet.
Evidemment, le monde n’étant pas binaire, les organisations ne peuvent pas fonctionner de manière pérenne en activant un seul mode d’action. Pour assurer leur pérennité et leur performance, ces organisations doivent être capables d’activer ces deux modes d’action même si, parfois, l’un ou l’autre peut être naturellement dominant. Donc, si nous reprenons les exemples précédents, le secteur de la santé, poussé par le monde qui évolue, active aussi le mode d’action adaptatif, même si ce n’est pas son mode privilégié, et les entreprises du numérique, contraintes par une nécessaire structuration, activent également le mode d’action régulé.
Les structures les plus agiles, fonctionnent selon un mix régulé-adaptatif, elles agissent dans un cadre bien défini avec des règles et des procédures claires et ajustent, jour après jour, ce cadre à l’évolution du monde. Un autre type d’agilité se retrouve dans des organisations qui ont su repérer en leur sein les périmètres à réguler davantage et ceux à rendre plus adaptatifs.
Il est aussi possible de diagnostiquer les fonctionnements organisationnels pour repérer les points de blocage régulés et/ou adaptatifs puis d’identifier les axes d’amélioration du fonctionnement ou de transformation de l’organisation : ici, un peu plus de structure, là, un peu plus de liberté et d’autonomie afin d’assurer un optimum de performance et de confort (« Développer l’agilité dans l’entreprise : de nouveaux leviers d’action et d’intelligence collective », de Jérôme Barrand et Jocelyne Deglaine, ESF, 2018).
Les recrutements peuvent également être adaptés aux besoins de l’organisation en sélectionnant les candidats les plus à même d’agir dans des environnements plus régulés ou plus adaptatifs, ce qui leur permettra de s’épanouir en agissant selon leurs préférences naturelles. Évidemment, cela se réalise avec le même test psychométrique.
Dans un marché actuel complexe, une entreprise du secteur foncier souhaitait insuffler une nouvelle dynamique, faire émerger une culture du résultat et stimuler la croissance, tout en préservant l’esprit positif des équipes. L’agilité comportementale est rapidement apparue comme un levier central pour accompagner ce changement.
Un travail sur le juste niveau d’agilité comportementale leur a permis de transformer leur fonctionnement et d’ajuster leur organisation. En améliorant leur capacité d’anticipation, ils ont optimisé leur gestion du temps et gagné en sérénité dans le pilotage de l’entreprise. L’état d’esprit lors des réunions a considérablement évolué : les sujets les plus délicats sont désormais abordés sans appréhension et un nouveau processus de décision, fondé sur la coopération, a été mis en place.
La régulation de la conduite des entretiens annuels a permis de gagner en efficacité et en respect des délais. Grâce à l’innovation adaptative, le management pilote directement les chantiers de transformation de l’entreprise.
L’agilité comportementale, clé de voûte de la pérennité des organisations ?
A l’heure de la modération énergétique, du développement de l’économie circulaire, les comportements écoresponsables sont encouragés pour la pérennité de notre planète. Ainsi, dans les organisations, il est pertinent aujourd’hui d’inventer des modes de production économes et d’être vigilant à notre santé pour bien vivre au quotidien (Référentiel QVCT, Anact).
L’agilité comportementale dans les organisations ne réinvente pas les « savoir-faire », ni les « savoir-être », elle crée le cadre pour s’autoriser à les utiliser juste ce qu’il faut dans chaque situation pour gagner en puissance, durablement.
Par Harvard Business Review France
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