Les dirigeants sont soumis à une forte pression pour être empathiques, humains et… gentils. Bon nombre d’entre eux cèdent à cette tendance car après tout, il est plus agréable d’être apprécié. Peu d’individus ont envie, en effet, d’avoir le mauvais rôle. Sauf que, ce que l’on attend d’un dirigeant est qu’il soit capable de prendre des décisions parfois difficiles, qui serviront au mieux les intérêts de l’entreprise ou du groupe. Or, le fait d’être (trop) gentil peut aller de pair avec un comportement un peu désinvolte, inefficace, irresponsable même et, en définitive, préjudiciable pour les salariés et l’organisation.
J’ai pu observer ce phénomène à maintes reprises. L’anecdote qui suit remonte à quelques années. L’un de mes collaborateurs, un cadre à haut niveau, avait fait une erreur de recrutement. Cela peut arriver mais il faut remédier rapidement au problème. Alors que j’insistais pour qu’il mette fin à cette collaboration, lui insista pour laisser une chance à cette nouvelle recrue. Deux mois plus tard, cela se soldait par un épisode de tension qui aurait pu être évité. C’est une leçon à tirer pour n’importe quel dirigeant. Se montrer gentil peut être bénéfique uniquement si cette attitude s’accompagne d’une réelle lucidité sur les objectifs à atteindre et d’une capacité à prendre, malgré tout, des décisions difficiles.
Voici d’autres scénarios où le fait d’être gentil ne vous rendra pas service (ni à personne d’autre d’ailleurs).
L’hypocrisie polie. Vous avez sans doute déjà participé à ces réunions de brainstorming dont l’objectif est de réfléchir tous ensemble à une problématique donnée. Lorsque, soudain, quelqu’un de haut placé énonce une idée absurde. Au lieu de le lui dire franchement, certains froncent les sourcils, d’autres font des mouvements de tête, on entend aussi des murmures de désapprobation mais personne n’ose dire pourquoi cette idée ne semble pas très pertinente. Dans mon entreprise, cette attitude d’«hypocrisie polie» ne fait pas partie de nos pratiques. Quand quelque chose ne va pas, nous en discutons sans attendre, dans un respect mutuel. Pour quelle raison? Car il n’est pas constructif de favoriser un environnement où ce que chacun exprime est forcément pertinent : pour gagner les honneurs, il faut les mériter.
Le lien qui s’éternise. Il peut arriver qu’un recrutement ne convienne pas finalement pour le poste requis. A première vue, il est plus facile de maintenir le collaborateur à son poste que de résoudre le problème. En réalité, il n’en est rien. Mieux vaut éviter de jouer les prolongations en espérant que la situation s’améliore. Laisser quelqu’un s’enliser dans un poste pour lequel il n’est manifestement pas fait ne rendra service à personne. Soyez courtois et clair dans votre façon d’exprimer les choses, mais ne soyez pas gentil. Le tout est d’agir avec respect. Pour cela par exemple, aidez l’individu concerné à se tourner vers des missions pour lesquelles il a davantage d’appétence et de compétences. Avoir le réflexe d’affronter les problèmes – plutôt que les ignorer – servira votre culture d’entreprise et la productivité de votre organisation. Sur le long terme, vous attirerez des collaborateurs ayant des valeurs et des convictions proches des vôtres.
L’absence de fermeté. Lorsque vous êtes trop gentil – envers des fournisseurs qui ne vous livrent pas à temps, envers vos collègues qui ne font pas correctement leur travail, envers des clients qui refusent de vous payer –, vous laissez en réalité les autres profiter de vous. Or, ce laxisme risque d’avoir des conséquences sur d’autres, notamment les salariés les plus talentueux et impliqués. S’ils constatent que ceux qui sont les moins performants restent impunis, ils seront contrariés. Du ressentiment s’installera, pesant sur le moral des collaborateurs, et le turnover augmentera. Réfléchissez aussi à la réaction que pourraient avoir vos clients les plus fidèles, s’ils constataient que d’autres profitent de vous. Votre réputation en pâtirait certainement. Ces problèmes deviennent de plus en plus difficiles à résoudre lorsqu’ils s’accumulent. Etre en permanence dans un rapport de force n’est pas forcément la solution pour se faire respecter, mais si vous voulez que votre organisation conserve un niveau élevé de qualité, vous devez faire preuve d’un minimum de fermeté. Le fait de fixer des règles vous facilitera du reste la tâche lorsque vous devrez prendre des décisions difficiles. Plus de retard, pas d’objections, pas de discussions.
Le manque d’introspection. Etes-vous trop laxiste vis à vis de vous-même? L’introspection est un outil efficace pour améliorer notre leadership mais nous omettons souvent d’y avoir recours. En vous interrogeant sur ce qui vous freine, vous et votre équipe, vous pourrez rééquilibrer votre style de management pour le faire progresser. En laissant à vos collaborateurs la possibilité de formuler les choses, même si elles sont difficiles à entendre, sans crainte de représailles, des points de vue pertinents pourront s’exprimer et vous renforcerez, par la même occasion, votre posture de dirigeant.
Il existe une différence majeure entre un manager efficace, ayant un niveau élevé d’attente, et un autre qui se contenterait simplement de régler les problèmes au fur et à mesure, de manière désinvolte. Ne vous y trompez pas : être gentil ne fera pas de vous un bon leader.
Par Michael Fertik
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