Leadership

3 manières d’améliorer votre raisonnement critique

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Par Helen Lee Bouygues

Il existe trois choses très simples à faire pour améliorer ses capacités de raisonnement critique.

Il y a quelques années, un P-DG m’assura que son entreprise était leader sur son marché, et ajouta même : « Nos clients ne nous quitteront jamais, changer leur coûterait trop cher ». Quelques semaines plus tard, Procter & Gamble décidait de ne pas renouveler son contrat avec son entreprise. Il a été pris par surprise, or il n’aurait pas dû.

Pendant plus de 20 ans, j’ai aidé des entreprises en difficulté. Elles faisaient appel à moi en raison de problèmes de gestion, pour n’avoir pas su rester à l’avant-garde des nouvelles technologies, ou, plus rarement, parce qu’elles avaient été confrontées à des dirigeants négligents. Les situations sont variées, mais dans tous les cas, l’origine des difficultés était la même : le manque de raisonnement critique.

Une absence de métacognition

Face à l’urgence des situations, trop de dirigeants d’entreprise ne prennent tout simplement pas le temps de réfléchir et d’évaluer le problème sous tous les angles. Trop souvent, ils s’emparent de la première conclusion, quelles que soient les preuves qu’on leur présente. Pire, ils sont capables de ne retenir que celles qui soutiennent leur conviction première. L’absence de métacognition (c’est-à-dire la capacité à réfléchir sur sa propre façon de réfléchir) y est aussi pour beaucoup, en rendant les gens trop sûrs d’eux.

Heureusement, le raisonnement critique est une compétence qui s’acquiert, et c’est dans ce but que j’ai récemment créé la Fondation Reboot. C’est donc en m’appuyant autant sur mon expérience personnelle que sur les travaux de nos chercheurs que j’ai identifié trois choses très simples à faire pour améliorer ses capacités de raisonnement critique :

  1. Questionner les idées reçues
  2. Raisonner avec logique
  3. Diversifier les points de vue

Vous vous dites certainement : « Je le fais déjà ! ». Sans doute, mais peut-être pas aussi consciemment et aussi rigoureusement que vous le devriez. Cultiver ces trois habitudes mentales contribuera grandement à vous aider à améliorer cette compétence si recherchée sur le marché du travail.

Questionner les idées reçues

Quand j’interviens sur le redressement d’une entreprise, mon premier réflexe est de remettre en question les postulats de l’entreprise. Un jour, j’ai ainsi joué la cliente mystère dans une bonne dizaine de magasins d’une chaîne en difficulté, pour me rendre compte assez vite qu’elle avait complètement surestimé le pouvoir d’achat de ses clients et avait fixé les prix de ses vêtements à un niveau trop élevé. En les vendant moins cher, elle aurait gagné des millions supplémentaires chaque année.

Il est évident qu’on ne peut pas tout remettre en question. Vous imaginez-vous passer la journée à vous demander si le ciel est vraiment bleu, si la personne assise à côté de vous est bien votre collègue et pas sa sœur jumelle, ou si l’économie ne va pas s’écrouler demain ?

La première étape est donc d’évaluer quand s’interroger. Il s’avère que c’est particulièrement utile quand les enjeux sont importants. Si le sujet est la stratégie à long terme d’une entreprise sur laquelle se fonderont des années d’efforts et de dépenses, assurez-vous de vous être posé les questions fondamentales : comment savez-vous que l’activité va croître ? Que disent les études de vos attentes sur l’avenir de votre marché ? Avez-vous pris le temps de vous mettre à la place de votre consommateur et de jouer le client mystère ?

Une autre manière de faire est d’envisager des alternatives, et de vous poser des questions telles que : et si nos clients changent ? Et si nos fournisseurs mettent la clé sous la porte ? Ce genre d’interrogations apporte une autre vision des choses et de nouvelles perspectives pour vous aider à affiner votre réflexion.

Raisonner avec logique

Il y a quelques années, j’ai entrepris de redresser une division d’un grand fabricant de lingerie. La croissance d’une de ses principales gammes déclinait depuis plusieurs années sans que personne ne comprenne pourquoi. Il s’est avéré que l’entreprise avait commis une erreur de raisonnement en généralisant à outrance, et en tirant une conclusion hâtive sur la base de preuves insuffisantes. Pour être claire, la marque était partie de l’idée que toutes ses consommatrices avaient les mêmes goûts quel que soit le pays, et distribuait donc les mêmes soutiens-gorge dans toute l’Europe.

Mais quand mon équipe a commencé à interviewer les employés et les consommatrices, nous nous sommes rendu compte que les goûts et les préférences étaient très différents d’un pays à l’autre. Les Britanniques aimaient les soutiens-gorge en dentelle dans des couleurs vives alors que les Italiennes préféraient les beiges sans dentelle, et les Américaines étaient les premières acheteuses de soutiens-gorge de sport. Dans le cas de cette société, mieux penser a permis d’améliorer les bénéfices de manière spectaculaire.

On peut se réjouir que la pratique formelle de la logique remonte au moins à 2000 ans, à Aristote, et qu’elle ait pu, au cours de ces deux millénaires, faire la preuve de son bien-fondé pour parvenir à des conclusions pertinentes. Pour revenir à votre entreprise, prêtez une attention particulière à la chaîne logique créée par une argumentation. Demandez-vous : chaque étape du raisonnement est-elle bien fondée sur des preuves ? Tous les éléments de preuve s’enchaînent-ils bien pour arriver à une conclusion solide ?

Avoir conscience des erreurs communes peut aussi vous aider à réfléchir de manière plus logique. Par exemple, beaucoup se fourvoient dans ce que l’on appelle les raisonnements « post hoc », ces erreurs qui consistent à croire que parce qu’un événement Y est survenu après l’événement X, alors X est forcément la cause de Y. C’est ainsi qu’un manager peut se persuader que ses vendeurs génèrent plus de ventes au printemps parce qu’ils sont « boostés » par les discours galvanisants du séminaire commercial de février, mais tant que cette hypothèse n’est pas vérifiée, il n’y a aucun moyen de savoir que le manager a raison.

Sortir de la pensée de groupe

Pendant des années, j’ai été la seule femme associée de l’équipe « transformation » de McKinsey. Et aujourd’hui, dans la demi-douzaine (voire plus) de conseils d’administration dont je suis membre, je suis généralement la seule Asiatique et la seule femme dans la salle pendant les réunions. Du fait de mes origines et de mon vécu, j’ai plutôt tendance à voir les choses différemment de ceux qui sont autour de moi, et cela a très souvent joué à mon avantage. Mais je ne suis pas à l’abri non plus de ce que l’on appelle la pensée de groupe (« groupthink »). Alors, quand je suis en présence de gens qui me ressemblent (même âge, ou mêmes opinions politiques, etc.), je m’efforce de solliciter des points de vue différents : cela m’aide à mieux réfléchir.

Se rassembler avec des gens qui pensent ou agissent comme soi est très naturel. Et ce phénomène se produit particulièrement facilement en ligne, où il est si facile d’avoir accès à des niches culturelles spécifiques. Les algorithmes derrière les réseaux sociaux rétrécissent encore nos champs de vision, en ne nous alimentant qu’en informations qui correspondent à nos convictions personnelles. C’est un vrai problème. Si tous les membres de nos cercles sociaux pensent comme nous, nous devenons encore plus rigides dans notre manière de penser, et moins capables de changer nos convictions face à des faits nouveaux. En réalité, ce que montrent les études est que, plus nous écoutons ceux pensent comme nous, plus nos opinions se polarisent.

Taire ses préférences

Il est donc crucial de sortir de sa bulle, et l’on peut commencer par de petites choses. Si vous travaillez dans la comptabilité, faites-vous des amis dans le marketing. Si vous déjeunez toujours avec les chefs, allez voir un match de football avec les autres collaborateurs. Prendre ce genre d’habitudes vous aidera à sortir de votre cadre de pensée et à développer des idées plus riches. Lorsque vous êtes en équipe, donnez aux gens la possibilité d’exprimer leurs idées de manière indépendante, sans subir l’influence du groupe. Quand je consulte mon équipe par exemple, je tais mes préférences et je demande à chacun de m’envoyer son avis séparément par e-mail. Cela évite le phénomène de pensée de groupe.

Ces petites tactiques peuvent paraître évidentes, mais en pratique elles sont plutôt rares, en particulier dans le monde des affaires où trop peu d’entreprises prennent le temps de raisonner avec rigueur. Pourtant, ce travail si important de raisonnement critique rapporte. Même si la chance joue un rôle – plus ou moins grand – dans le succès d’une entreprise, les plus belles réussites sont le fruit de l’intelligence.

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