Leadership

Les « global cosmopolitans », des experts du changement complexe à valoriser

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Les entreprises ont tout à gagner à accompagner les salariés qui ont multiplié les expériences à l’international dans leur retour au siège et à la vie sédentaire.

Les « global cosmopolitans », ces individus ayant vécu, travaillé et étudié dans de multiples parties du monde, considèrent souvent leur vie comme une mosaïque. Ils se construisent un parcours personnel et professionnel qui entre en résonance avec ce qu’ils sont et avec ce qu’ils veulent être. Alors que leurs priorités changent, un nouveau champ des possibles s’ouvre : même lorsqu’ils décident de s’installer dans un pays de manière durable, ils conservent une optique internationale. Leur capacité à relever les défis liés au changement peut ainsi se montrer précieuse dans les multinationales.

Des ambitions renouvelées

Prenez l’histoire d’Isabella. Isabella est espagnole et a travaillé dans plusieurs pays avant d’atteindre la destination de ses rêves : le siège social de son entreprise, en Angleterre. Quand on lui a demandé de s’expatrier une nouvelle fois, elle a dû étudier les différentes options qui s’offraient à elle. Ambitieuse, elle souhaitait obtenir un poste au sein de l’équipe de direction, au siège. Après des années de bons et loyaux services sur tous les continents, Isabella estimait qu’elle avait droit de cité dans la cour des grands. En outre, elle et son mari anglais étaient prêts à s’installer au Royaume-Uni. Ce dernier avait obtenu un excellent poste à Londres, ils avaient acheté une maison et leurs enfants étaient déjà inscrits dans de bonnes écoles.

Isabella a alors fait part de ses ambitions à son manager et aux ressources humaines. Pourtant, au cours des mois suivants, les RH lui ont proposé des postes dans plusieurs pays. Isabella s’est sentie cataloguée en tant que salariée internationale flexible dont le potentiel était lié à sa mobilité. Cela avait peut-être été vrai dans le passé, mais elle considérait qu’elle avait fait sa part, et que son parcours lui avait justement permis d’acquérir les compétences nécessaires pour diriger une équipe internationale au siège. Lorsqu’on lui a expliqué que l’Australie serait un excellent choix pour sa carrière, elle a compris qu’il était temps d’aller exercer ses talents ailleurs (lire aussi la chronique : « Comment avancer dans votre carrière quand votre chef ne vous y aide pas »).

Des compétences rares

Au cours de mes recherches, j’ai constaté que, dans le laps de temps qui leur permet d’atteindre un niveau d’expérience comparable à celui d’Isabella, les « global cosmopolitans » ont généralement pu acquérir la confiance en eux, les connaissances et les compétences nécessaires pour devenir des dirigeants internationaux. Ils ont en outre un état d’esprit cosmopolite qui leur permet d’étudier les situations d’un point de vue à la fois mondial et local – une qualité essentielle pour les entreprises en cette période trouble pour le commerce mondial et au temps de l’émergence des nationalismes.

La complexité d’une vie d’expatriations successives a une incidence sur la façon dont des personnes comme Isabella construisent leur identité et sur ce qui donne du sens à leur vie. Ils n’évaluent pas leur carrière uniquement en termes de promotion et d’augmentation de salaire, mais également selon la façon dont ils continuent d’apprendre et de progresser. Ils voient dans leur vie professionnelle l’opportunité de mettre à profit ce qu’ils ont appris et de montrer qui ils sont devenus. Leur conception des racines est assez nuancée. Il peut davantage s’agir d’une notion abstraite ou de plusieurs lieux où ils se sentent chez eux, que d’un endroit précis.

Si orchestrer une progression de carrière cohérente peut s’avérer compliqué pour les personnes sédentaires, on peut aisément imaginer à quel point cette tâche est ardue pour les « global cosmopolitans ». Parce que chaque nouvelle aventure est vectrice de transformation, leurs histoires sont en constante évolution. Faire le point sur le chemin parcouru et l’expliquer aux autres est pour eux un défi permanent.

Le cas d’Isabella illustre parfaitement cette période de transition dans la vie des « global cosmopolitans ». Après avoir bâti une carrière solide par-delà les frontières, Isabella a estimé que le temps était venu pour elle de se fixer quelque part. Forte de son état d’esprit cosmopolite et de ses compétences à l’international, elle avait besoin que son employeur la soutienne dans son projet d’enracinement au Royaume-Uni, qu’il fasse le point sur l’éventail de ses compétences et explore les possibilités de postes de direction qui pourraient lui correspondre au siège. La séparation regrettable qui s’est ensuivie aurait pu être évitée si l’entreprise avait fait l’effort d’écouter, de comprendre et de soutenir Isabella (lire aussi la chronique : « Quelles sont les vraies raisons pour lesquelles on démissionne ? »).

Des expériences mises en perspective

Le chemin pour passer du statut de bon professionnel international à celui de vétéran de la mobilité mondiale peut être semé d’embûches. Apprendre à parler de ses expériences et à les mettre en perspective peut rendre l’exercice beaucoup plus aisé. Voici une stratégie en trois parties qui peut servir de guide.

Recadrer son propre récit. A chaque fois qu’ils se trouvent à un carrefour de leur parcours professionnel ou personnel, je conseille aux « global cosmopolitans » de faire le point sur ce qu’ils ont appris – y compris les expériences intangibles qui ne pourront jamais figurer sur un CV – et d’écrire un récit non daté. Isabella, elle, a ainsi réfléchi à ce qu’elle pourrait apporter à son entreprise en tant que manager. Elle était consciente qu’elle devait rendre visibles les compétences invisibles qu’elle avait acquises. Elle devait également expliquer comment ses besoins et ses valeurs avaient évolué. A posteriori, elle a compris qu’elle aurait dû exprimer plus clairement son envie d’accéder aux responsabilités d’un poste de direction et la profondeur de son engagement dans ses postes à l’international. Si vous vous trouvez dans la même situation qu’Isabella, ce processus vous aidera à rendre plus clairs les changements qui sont survenus, aussi bien pour vous-même que pour les autres.

Voir ses compétences sous un autre angle. Une fois votre récit mis à jour, engagez la discussion avec les personnes adéquates : évoquez vos objectifs et vos opportunités de carrière, mais aussi les compétences que vous avez développées en menant une vie et une carrière à l’international. Montrez-leur en quoi vous pouvez aider votre entreprise. Vous avez peut-être appris une ou plusieurs langues pendant votre séjour à l’étranger, mais c’est votre capacité d’adaptation qui est votre meilleur atout pour accéder au top management. Celle-ci peut consister en une capacité à aller chercher des réponses lorsque certaines connaissances viennent à vous manquer, mais aussi à gérer des changements complexes et à prendre des décisions, à faire collaborer différentes parties prenantes, ou encore à prendre des risques. Vous n’êtes peut-être même pas conscient de ces compétences. Il peut donc être nécessaire de procéder à un bilan introspectif complet. Cherchez des occasions d’exposer vos compétences, par exemple en créant un consensus au sein d’une équipe multiculturelle.

Utiliser son kaléidoscope. La compétence la plus précieuse que permet d’acquérir cette vie à l’international est une vision kaléidoscopique du monde. Au lieu d’avoir une vision figée de ce que devrait être la vie, les « global cosmopolitans » sont capables d’adapter leurs idées et leurs attentes. Lorsqu’ils font face à de nouveaux défis, ils tournent simplement leur kaléidoscope et perçoivent, dans ce que certains pourraient considérer comme de l’adversité, l’occasion de découvrir de nouvelles solutions et de nouveaux schémas de vie. Vont de paire une certaine confiance en soi et en ses forces, ainsi qu’un potentiel de créativité pour répondre aux aléas de la vie. Les « global cosmopolitans » peuvent encourager leurs employeurs à partager cette vision kaléidoscopique des choses. Ils peuvent proposer à leur entreprise une approche expérimentale et collaborative afin de trouver une nouvelle voie à suivre. L’empathie peut également être un excellent outil : essayez de vous confronter aux problèmes et de répondre aux préoccupations de l’entreprise en vous mettant à sa place. Etre parvenu à surmonter les différences culturels dans vos précédents postes est un excellent moyen de se préparer à une collaboration kaléidoscopique au-delà du clivage employeur-salarié.

Tant les « global cosmopolitans » que leurs employeurs doivent mettre à profit les compétences et les connaissances acquises grâce à ces expériences culturelles diverses. La direction doit communiquer le plus largement possible sur l’importance de valoriser et de tirer profit des « global cosmopolitans ». A l’inverse, les entreprises perdront de précieux éléments comme Isabella chaque fois qu’elles ne seront pas à l’écoute, qu’elles n’apprendront pas et qu’elles ne créeront pas de véritables opportunités pour les « global cosmopolitans » qui souhaitent entamer un nouveau chapitre de leur vie.

ParLinda Brimm

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