Entrepreneuriat

Votre entreprise pourrait-elle survivre à une décision de justice emblématique, voire catastrophique ?

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Souvent très médiatisés, les jugements allouant des montants d‘indemnités très élevés constituent un risque majeur pour les grandes entreprises, pouvant même en conduire certaines à la faillite. Depuis 2015, ces « nuclear verdicts » ou sinistres aux montants exceptionnellement élevés, souvent supérieurs à ce qui serait considéré comme des dommages-intérêts raisonnables, ont augmenté de manière significative, en fréquence et en taille, avec des montants passant de 64 millions à 214 millions de dollars en moyenne aux Etats-Unis.
Si ces sinistres sont actuellement plus répandus aux États-Unis que dans le reste du monde, les experts en risque craignent une fuite en avant liée à un autre phénomène préoccupant : l’inflation sociale. Explications.

Sinistres de grande ampleur & inflation sociale : des phénomènes interconnectés

Les entreprises qui travaillent avec les Etats-Unis doivent tenir compte des répercussions potentielles d’un sinistre de grande ampleur. Ces considérations tiennent en haleine les assureurs qui scrutent avec attention le montant des dommages accordés et leur augmentation en fréquence et en gravité. En 2019 seulement, la fréquence des verdicts de plus de 20 millions de dollars a triplé par rapport à la moyenne observée entre 2001 et 2010. Comment expliquer cette montée en puissance ?
Ces sinistres ont littéralement explosé au cours des dernières années, découlant d’un phénomène grandissant et déjà observable dans de nombreux pays : l’inflation sociale. Décrivant l’écart entre le montant de ces sinistres et l’inflation économique générale, l’inflation sociale a contribué à un nombre croissant de sinistres aux réclamations astronomiques et les observateurs s’interrogent sur les principaux facteurs pouvant expliquer ce phénomène.

Changement des attitudes sociétales et leurs impacts sur les litiges

L’impact de l’opinion publique est une composante essentielle permettant de mieux appréhender les mécanismes conduisant à l’inflation sociale.  S’appuyant sur l’information en continu, le public est devenu plus méfiant envers les entreprises, persuadé que de nombreuses sociétés et leurs assureurs ont de très solides trésoreries qui leur permettraient de verser des montants disproportionnés, souvent destinés à combler l’écart de richesse avec le justiciable. Les émotions jouent un rôle important dans ces sinistres :  Internet et les réseaux sociaux ont rendu possible l’accès à certaines informations telles que les salaires et les primes des dirigeants d’entreprises ou encore les fortunes amassées par certaines célébrités, alimentant ainsi des demandes d‘indemnisation sans réel rapport avec la valorisation du préjudice réellement subi.

Ces caractéristiques de notre société de l’information se retrouvent au cœur des salles d’audiences où les tactiques employées lors d’un litige ont évolué. Ainsi, de nombreux avocats vont chercher à porter l’attention des juges (et du jury le cas échéant) sur la pénalisation du défendeur plutôt que sur l’indemnisation du demandeur, en décrivant l’accusé comme un contrevenant en série qui représente une menace directe pour la société.
Autre facteur qui a changé la donne, la diffusion croissante sur les marchés anglo-saxons de produits financiers ou assurantiels visant à financer des actions judiciaires moyennant une participation aux produits éventuellement obtenus de ces actions.
Ces alternatives permettent aux demandeurs et à leurs avocats de résister à une potentielle contrainte financière qui les conduirait à accepter un règlement anticipé, et augmentent ainsi la probabilité d’un procès menant au versement d’indemnités considérables.

Toutefois, l’effet de cette inflation sociale ne concerne pas seulement les entreprises directement confrontées à des réclamations de grande ampleur, car elle a des répercussions directes et tangibles sur l’assurance des autres souscripteurs dans une économie de marché globalisée. Une réclamation de grande ampleur ne constitue donc plus un phénomène exclusivement américain dans la mesure où des entreprises européennes pourraient être impactées directement si elles vendent ou font des affaires aux Etats-Unis. L’incidence de l’inflation sociale sur les couvertures d’assurances apporte alors un éclairage bienvenu sur ces questions. 

Que peuvent faire les entreprises pour atténuer le risque d’inflation sociale ? 

À mesure que ces sinistres deviennent plus fréquents, certains assureurs font preuve de plus de prudence et augmentent les primes pour certains types de garanties, impactant plusieurs secteurs : les assurances de flottes automobiles, les fautes professionnelles médicales, la responsabilité civile des administrateurs et dirigeants, les assurances responsabilité civile.
Les assureurs peuvent également envisager des restrictions de garantie dans les juridictions où ces verdicts catastrophiques semblent en hausse : de nombreuses entreprises risquent de ne pas pouvoir acheter assez de garantie.
Le recours à certaines bonnes pratiques de gestion des risques s’avère encore plus critique que par le passé. En cause notamment, le déploiement de tactiques d’intervention précoce (i.e., avant la réclamation judiciaire ou, si celle-ci est formulée, avant toute décision sur le fond) lorsque celles-ci s’avèrent applicables et la nécessité d’associer tous les assureurs participants au programme d’assurance afin qu’ils soient impliqués dans le processus dès le début. Dans une optique d’atténuation des risques, les entreprises doivent s’imposer un examen régulier des demandes d’indemnisation non réglées, avec une vigilance toute particulière sur les valeurs aberrantes, afin de repérer les réclamations susceptibles de donner lieu à une décision judiciaire catastrophique. Enfin, elles doivent se tenir prêtes à défendre vigoureusement les réclamations qui ne pourront être réglées rapidement.

Les assureurs, les courtiers d’assurance, les avocats et les experts observent avec attention l’évolution de ces sinistres de grande ampleur dans le temps, s’efforçant de fournir aux entreprises des approches appropriées face à ces situations. Il n’en demeure pas moins qu’un examen des process d’élaboration et de suivi des produits et services fournis par l’entreprise doit être mené en amont et en continu pour veiller à leur qualité et pouvoir démontrer, si besoin, la volonté de l’entreprise de développer son activité en veillant à protéger les intérêts des tiers ; cet examen doit aussi conduire l’entreprise à s’interroger sur sa présence commerciale dans des pays exposés à ce type de décisions judiciaires.

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