L’économiste El Mouhoub Mouhoud explique, dans une tribune au « Monde », comment la diffusion des technologies numériques et la course à la décarbonation de l’industrie et des transports vont favoriser un principe de proximité dans les échanges internationaux.
es multiples crises survenues depuis la pandémie de Covid-19 ont révélé au grand jour les interdépendances extrêmement fortes qui lient les économies entre elles, et tout particulièrement les économies développées dans les pays émergents comme la Chine et l’Inde. Dans la plupart des pays industrialisés s’est installé un climat propice au retour des politiques de promotion de l’autonomie stratégique et de la réindustrialisation, à l’aide de larges subventions publiques aux Etats-Unis plus encore qu’en Europe.
Cette résurgence des politiques industrielles s’inscrit dans un contexte de reconfiguration de la mondialisation depuis le début des années 2010. Celle-ci se traduit par une régionalisation des chaînes de valeur mondiales au détriment de leur dilatation vers la Chine et les pays émergents lointains, sous le double effet de la hausse des coûts salariaux unitaires dans les pays émergents et de la hausse des coûts de transport et des coûts de transaction du commerce mondial.
Les firmes des pays développés ont en effet profité de taux d’intérêt réels extrêmement faibles, voire négatifs jusqu’en 2022, pour accélérer la robotisation de leurs chaînes d’assemblage et de production afin de réduire leurs coûts unitaires. En outre, les innovations technologiques, portées par l’intelligence artificielle (IA) et la révolution numérique constituent un puissant levier potentiel de reconquête des avantages compétitifs des pays anciennement industrialisés. La course à l’attractivité des talents dans ce domaine nécessite de repenser l’offre de compétences par le système d’éducation, et de mettre en place des programmes de recherche interdisciplinaires qui promeuvent des modes d’interaction nouveaux.
Hypermondialisation et hypercarbonation
L’IA transforme les procédés de fabrication, les comportements de consommation, l’organisation du travail, les chaînes logistiques… Ainsi, les robots Kiva ont-ils permis à Amazon de doubler sa productivité. La loi de Baumol, qui expliquait les écarts de productivité entre les services et l’industrie manufacturière au profit de la seconde, semble pour partie remise en question. Au moment où l’industrie robotisée se relocalise partiellement au Nord, on assiste à un début d’hypermondialisation des emplois de services, aussi bien au cœur de l’industrie manufacturière que dans le secteur des services délocalisables (recherche et développement, informatique, services juridiques, back-office bancaire…).
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