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Afrique australe : Nozizwe Mulela, reine zouloue et patronne de la Banque de développement d’Eswatini

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Aux côtés du nouveau roi zoulou se tient une reine qui cumule une vingtaine d’années dans le monde séculier et qui tient à y rester. Rencontre avec une avocate et banquière portée par les enjeux mondiaux (climat, technologie,…), qui dirige depuis deux ans la Banque de développement d’Eswatini, petit royaume d’Afrique australe dont l’Union européenne est le deuxième partenaire commercial.

Dans la file à l’entrée de l’International Congress Center de Sharm el-Sheikh en une matinée de mai, aucun signe extérieur ne laisse suspecter qui elle est vraiment. « Je considère que je n’ai pas besoin de protocole lorsque je suis en dehors du pays », confie Nozizwe Mulela. Si elle participe à ce forum financier en tant que directrice générale d’Eswatini Bank -première femme à ce poste depuis la création de l’institution en 1965-, cette quadragénaire est aussi reine zouloue, en sa qualité de seconde épouse du roi zoulou, Misuzulu kaZwelithini, couronné l’été dernier.

« La preuve que tout est possible »

Swatinienne rompue à la culture et aux traditions zouloues, elle reconnait sa situation inhabituelle, mais se dit portée par une conviction : « Le statut de reine m’a trouvé dans ma carrière. Je considère qu’il n’y a aucune raison pour moi d’abandonner ma carrière parce que je suis devenue reine. Au contraire, le fait que j’évolue sur les deux fronts est, à mon avis, un avantage pour la nation parce que cela montre que tout est possible ». Ce mindset, elle le tient de sa mère qui était professeur de Chimie, première femme vice-chancelière de l’Université d’Eswatini dont l’expertise était reconnue à l’international. « J’ai grandi dans une famille pour laquelle l’éducation est une clé de vie », confie-t-elle soulignant en plus que « nos sociétés et nos économies doivent pouvoir tirer avantage de la capacité multitâche des femmes ».

La banque sur le bout des doigts

Avec environ 25 ans d’expérience professionnelle, Nozizwe Mulela est d’abord avocate avant de virer vers la banque. Diplômée en droit et en administration des affaires à la célèbre Université de Stellenbosch en Afrique du Sud, elle est notamment passée chez la filiale swatinienne du britannique Standard Chartered, la First National Bank et Eswatini Bank où elle a passé plus de onze ans avant de revenir, il y a deux ans, pour en prendre les rênes. Assez atypique, l’institution dirigée par Nozizwe Mulela à la fois une banque de développement et une banque commerciale. « Historiquement, la banque a été fondée pour ne répondre qu’aux questions de développement. Mais la structure a commencé à changer lorsque le financement a commencé à ne plus émaner uniquement de l’Etat », explique-t-elle, soulignant que la banque dispose en son sein des différentes expertises nécessaires à son bon fonctionnement.

Climat, technologies, entrepreneuriat… ces priorités

Appelé Swaziland jusqu’en 2018, l’Eswatini est une petite monarchie enclavée de 1,1 million d’habitants, bordée par l’Afrique du Sud et le Mozambique. Son économie a connu une véritable remontada post-Covid affichant une croissance du PIB de 7,9% en 2021, contre 1,6% l’année précédente. Ses points forts : le rebond du secteur manufacturier et le renforcement de la demande extérieure, selon le Fonds monétaire international (FMI). Une dynamique cependant court-circuitée l’an dernier par les effets du conflit russo-ukrainien (inflation, chute de la demande, contraintes budgétaires, hausse du coût du crédit…) et du ralentissement économique en Afrique du Sud dont l’Eswatini dépend notamment pour son électrification.

Dans ce pays où l’agriculture est le pilier de l’économie avec la canne à sucre comme ressource « star », les réalités du climat perturbent le développement de ce secteur qui emploie 12% de la population active. Si ailleurs sur le continent la sècheresse bat son plein, ici les inondations sont récurrentes et le spectre d’éventuels cyclones plane toujours. « Nous voulons traiter en profondeur ces questions liées aux changements climatiques et comme je le dis toujours, la clé est dans l’action. Nous essayons de développer des solutions pour aider nos agriculteurs, mais nous ne disposons pas encore de suffisamment de technologies », explique la patronne d’Eswatini Bank, soulignant la nécessité d’accélérer la mobilisation du financement international promis au continent africain pour renforcer les capacités des Etats. La banque appuie également l’ambition des autorités de développer les énergies renouvelables pour pallier la dégradation de la fourniture d’électricité en provenance du voisin sud-africain.

Pour tacler les défis liés au développement, Nozizwe Mulela assure en outre travailler avec ses équipes pour faire bouger les lignes, notamment concernant l’emploi des jeunes, dans ce pays où le taux de chômage des jeunes frôle les 24%. « Nous promouvons l’entrepreneuriat, afin que les jeunes puissent exprimer leur créativité et créer leur propre emploi pour pallier le contexte difficile et contribuer à la lutte contre le chômage », explique-t-elle. Le royaume se fait notamment appuyé par l’Union européenne (UE) qui a débloqué régulièrement des fonds en faveur du développement humain et de l’inclusion sociale, la dernière enveloppe en novembre dernier s’élevant à 32 millions d’euros.

Aux trousses de potentiels partenaires et investisseurs

Qu’elle se rende aux rencontres de la Banque africaine de développement (BAD) ou à toute autre rendez-vous de décideurs financiers ailleurs dans le monde, la reine zouloue entend saisir les occasions de lever le voile sur les opportunités que présente l’Eswatini et rencontrer de potentiels partenaires et investisseurs.

Avec un stock d’investissements directs étrangers (IDE) de 1,1 milliards de dollars en 2021 selon la CNUCED, le pays en reçoit principalement de l’Afrique du Sud voisine, mais aussi des Etats-Unis, tandis que l’UE est son deuxième partenaire commercial recevant plus de 14% des exportations swatiniennes, faites essentiellement de produits agricoles et miniers (charbon, diamants, or). « Nous avons clairement besoin de plus d’investissements, pour avoir un secteur privé plus fort, pour soutenir l’industrialisation dans un contexte de déploiement de la Zone de libre-échange continentale africaine [Zlecaf], mais aussi pour booster l’innovation technologique et relever les défis climatiques », explique Nozizwe Mulela estimant qu’il est temps que son pays s’ouvre beaucoup plus sur les sous-régions d’Afrique du Nord, de l’Ouest et du reste du monde.

admin
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