Developement & RSE

La RSE des entreprises minières ouest-africaine dans un contexte de guerre économique

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Popularisé avec l’initiative Global Compact (Pacte mondial 2) de l’ONU, le concept de RSE connaît un développement rapide en Occident, mais sa pratique reste balbutiante en Afrique. L’émergence du concept en Afrique de l’Ouest est essentiellement du ressort des filiales des multinationales, en l’occurrence les entreprises minières, qui y opèrent, celles-ci désirant s’assurer que leurs activités respectent les standards internationaux et les droits des communautés locales. Du reste, les actions RSE menées par les entreprises minières dans le cadre de la promotion du développement social (santé, éducation, droits de l’homme, etc.) et en matière de lutte contre la pauvreté et de contribution au développement de leur zone d’exploitation, restent ambiguës ce qui handicapent parfois la valorisation des pratiques RSE et posent la question de leur crédibilité.

La RSE des entreprises minières dans le contexte africain

Dans le management des firmes, la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) constitue la matérialisation du concept de développement durable et traduit l’engagement volontaire des entreprises à prendre en compte les attentes sociétales des parties prenantes (salariés, société civile, ONG, collectivités locales, populations riveraines, etc.).

En Afrique de l’Ouest, la construction du modèle RSE dans les entreprises minières s’est faite par rapport à la vision environnementale et sociale du développement. Ainsi, la quasi-totalité des entreprises minières en Afrique de l’Ouest ont intégré dans leur cahier de charges la RSE pour répondre aux enjeux sociétaux et environnementaux du développement dans leurs zones d’implantation. Pour les autorités de ces pays africains, la question est de savoir comment assurer une croissance économique durable qui soit à la fois respectueuse de l’environnement et des préoccupations sociales, dans le processus d’exploitation des ressources minières. Toutefois, c’est la composante sociale du développement durable qui intéresse plus particulièrement les acteurs en Afrique, ce qui explique le fait que dans les pays africains, la dimension sociale du développement soit plus valorisée. La soutenabilité sociale du développement privilégie la lutte contre la pauvreté ou la fin de l’exclusion sociale, le chômage et les inégalités (Murdoch, 1999).

La RSE des entreprises minières ouest-africaine ; ambiguïté autour de son implémentation

Des initiatives réussies témoignent de l’émergence d’une politique RSE au sein des entreprises minières en Afrique de l’Ouest, même si le développement des postes dédiés à la RSE dans ces entreprises reste marginal.

Au Burkina Faso, depuis le début des travaux de la mine AMGOLD Essakane SA, se sont succédé de nombreux comités liés principalement au suivi de la réinstallation des populations déplacées. En 2012, la mine s’est dotée d’un mécanisme d’information et de consultation permanente pour communiquer de manière régulière et transparente avec un plus grand nombre de villages environnants et leurs représentants.

Désireuses de soigner leurs images souvent écornées par les accusations de la société civile, les entreprises minières en Afrique de l’Ouest initient donc des actions qui militent en faveur du développement des populations de leurs zones d’implantation. Mais cet engagement des entreprises minières à devenir socialement responsable est-elle sincère ?

En fait, les accusations portées à l’encontre des multinationales concernent aussi bien leur mode d’activité que leur stratégie économique. En l’occurrence, dans le cas des entreprises minières en Afrique de l’Ouest, les questions essentielles soulevées par les ONG de défense des Droits Humains et les spécialistes de la RSE ont trait à la préservation de l’environnement (réduction des gaz à effet de serre, réhabilitation des sites industriels, mesures contre la pollution, etc.), la bonne gouvernance (lutte contre la corruption, réduction des écarts salariaux, etc.), les conditions de travail (hygiène, santé, sécurité, etc.), les relations avec les sous-traitants, les communautés locales et autres parties prenantes. Ils estiment que ces questions sont peu abordées dans les politiques RSE.

Au Burkina Faso, les installations souterraines de la mine de zinc de Perkoa, opérée par la compagnie canadienne Trevali Mining, ont été inondées le 16 avril 2022, avec huit mineurs bloqués à plus de 700 mètres sous terre dans la mine. Plus d’un mois et demi après les inondations dans la mine souterraine, les 8 corps ont été retrouvés sans vie. Au-delà de l’ambiguïté de l’implémentation de la RSE au sein des entreprises minières en Afrique de l’Ouest, l’efficacité et plus l’impact de ces politiques RSE restent en suspens.

Une des tares reprochées à l’approche RSE mise en place par les entreprises minières en Afrique de l’Ouest, c’est le fait d’en faire un concept de communication, comme en témoigne l’organigramme de certaines entreprises à travers lequel une même direction s’occupe de la communication et du développement durable. Alors faut-il réguler la RSE au sein des entreprises minières en Afrique de l’Ouest ?

RSE : de la régulation d’un concept à base volontariste

L’absence de standards internationaux contraignants fait que la RSE est généralement laissée à l’appréciation des entreprises. Celles-ci peuvent décider de s’engager ou non dans une démarche RSE, de respecter ou non leurs engagements, et souvent de tenir ou non des rapports sociaux et environnementaux. Dans ce contexte, le risque est que les entreprises soient susceptibles de créer elles-mêmes les règles dont elles ont besoin (Cochoy, 2007).

Le débat réside dans le fait que le volontarisme par définition reste une décision non contraignante. Dès lors, beaucoup estiment qu’il n’est pas nécessaire de contraindre une démarche qui se veut avant tout volontariste. L’enjeu c’est de ne pas laisser trop de choix aux entreprises dans leurs démarches RSE, tout en ne les contraignant dans leurs actions volontaristes. Mais la pratique de la RSE devrait obéir à un mélange de genres entre volontarisme et contraintes pour être efficace.

L’approche RSE mise en œuvre par les entreprises minières en Afrique de l’Ouest met en évidence les enjeux et les ambiguïtés de la RSE tel que pratiquée actuellement dans le contexte sécuritaire lié au terrorisme. Si la RSE semble s’intégrer dans un processus de développement durable, l’approche proposée par les entreprises minières en Afrique de l’Ouest sur le terrain reste problématique tant elle interroge et renouvèle les oppositions entre l’entreprise et les parties prenantes (ONG, société civile, populations locales, État).

 

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